Bilan vasculaire prétransplantation

Éviter l'imprévisible

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Publié le 15/05/2017
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Transplantation rénale

Transplantation rénale
Crédit photo : Phanie

La transplantation rénale constitue le traitement de choix de l'insuffisance rénale chronique avec d'excellents résultats sur le confort de vie et un bénéfice économique par rapport à la dialyse dès la deuxième année. Ses indications ont été élargies à des personnes âgées ou ayant des facteurs de risque les exposant à des pathologies vasculaires, diabète, obésité, dyslipidémies, intoxication tabagique et surtout l'insuffisance rénale chronique (IRC) elle-même, avec un risque cardiovasculaire (CV) corrélé à sa durée et à celle de la dialyse, sans oublier l’hyperparathyroïdie fréquente dans l'IRC qui accélère l'athérogenèse si elle n'est pas bien contrôlée. Une évaluation prétransplantation rigoureuse s'impose, avec en particulier un bilan vasculaire qui doit être supervisé par l'urologue transplanteur avant inscription sur la liste d’attente. Il sera renouvelé tous les ans tant que la personne n'est pas transplantée.

Évaluer le réseau vasculaire chez le receveur

L’interrogatoire recherche la notion de facteurs de risque métaboliques, d'une claudication intermittente, d'antécédents de prothèses aortiques et/ou iliaques, de dilatation percutanée ou de stents qui ne permettent ni le clampage ni l'implantation vasculaire. L’examen évalue les pouls en particulier fémoraux et le caractère dépressible des artères fémorales.

La radiographie abdominale standard à la recherche de calcifications est peu contributive et n'a plus sa place. L'examen clef est l’écho-Doppler qui précise l'état artériel, la présence de calcifications, de leur caractère circonférentiel, d'un épaississement des parois artérielles, d'une sténose, de sa longueur et de son diamètre. L'exploration veineuse est tout aussi importante pour rechercher une thrombose des veines iliaques ou de la veine cave inférieure (VCI), en particulier chez les enfants après chirurgie et chimiothérapie pour néphroblastome ou chez l'adulte ayant des antécédents de pose de cathéters fémoraux. Une thrombose des veines iliaques peut imposer l'implantation en position haute sur la VCI ; par contre, en cas de thrombose de la VCI, il faut savoir si l'implantation sur les veines iliaques est possible, et lorsque tout l’axe est thrombosé, on peut être amené à faire l’anastomose veineuse sur le tronc porte.

La tomodensitométrie (TDM) est réalisée sans injection de produit de contraste, son but étant de vérifier la présence de calcifications au niveau des parois artérielles, leur caractère uni ou bilatéral, leur importance, leur extension au niveau aorto-iliaque ainsi qu'au niveau des artères digestives du fait du risque d’ischémie mésentérique. Tous les patients inscrits sur la liste de transplantation bénéficient d'un écho-Doppler mais le scanner n'est pas systématique, sauf chez les hommes de plus de 45 ans, les diabétiques et les diabétiques de type 1 inscrits sur la liste de transplantation rénale et pancréatique. L'IRM n'a pas d'indication dans ce bilan.

En fonction des résultats, la décision est prise ou non d'inscrire le patient sur la liste d’attente, immédiatement ou après l'avis d'un chirurgien pour d'éventuels gestes vasculaires à réaliser préalablement à la transplantation.

Un patient asymptomatique, avec des calcifications peu importantes et un lit vasculaire permettant l'incision et le clampage peut être inscrit sur la liste d’attente. Par contre s'il est symptomatique et qu'il existe de nombreuses calcifications, il est préférable de l'adresser au chirurgien vasculaire pour réaliser une endartériectomie, poser un stent avec les réserves susmentionnées ou une prothèse vasculaire. La décision est plus difficile devant des calcifications importantes sans signes cliniques. Il est indispensable de tenter la transplantation en présence du chirurgien vasculaire qui décide du type de geste à faire dans le même temps opératoire. Parfois les risques sont tellement importants que la transplantation est contre-indiquée définitivement.

Lorsque chez un patient jeune les axes iliaques sont inutilisables, il est possible de réaliser une transplantation orthotopique dans la fosse lombaire gauche, comme l’a décrite Gil Vernet, en retirant le rein du receveur et en pratiquant l’anastomose veineuse sur la veine rénale du receveur, le greffon étant vascularisé par l'artère splénique.

Évaluer l'état vasculaire chez le donneur

Un bilan complet doit être réalisé chez les donneurs vivants ; la TDM avec injection est l’examen de référence et précise le nombre d'artères rénales, leur état, celui du parenchyme rénal et des uretères. Pour certains elle permet de calculer la valeur fonctionnelle de chaque rein par rapport à la fonction rénale globale. Les donneurs vivants sont eux aussi de plus en plus âgés et il n’est pas rare de retrouver des calcifications au niveau de l'aorte ou des ostiums des artères rénales, ce qui représente pour nous une contre-indication au don étant donné les risques à long terme de cette athérosclérose débutante.

Chez les donneurs Maastricht 2 arrivant à l'hôpital en arrêt cardiaque irréversible, le prélèvement est réalisé en extrême urgence et la décision de transplantation sera par chaque équipe en fonction des constatations anatomiques.

« En ce qui concerne les donneurs en état de mort encéphalique, nous demandons à Nantes en même temps que le scanner cérébral un scanner corps entier pour évaluer l'état artériel aortique et rénal. Si l'aorte est très calcifiée et l'artère rénale saine on supprime le patch aortique et on utilise l’artère rénale comme en cas de donneur vivant. Par contre les calcifications sur l'artère rénale peuvent constituer une contre-indication du fait du retentissement sur la fonction du transplant et du risque de dissection de la paroi artérielle mais c'est à chaque équipe de transplantation de prendre sa décision ? » explique le Pr Karam.

D'après un entretien avec le Pr Georges Karam, CHU de Nantes

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Bilan Spécialiste