Neuro-urologie

Vessie et détrusor hypoactifs

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Publié le 17/05/2018
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Il faut bien distinguer vessie hypoactive et détrusor hypoactif. La définition du détrusor hypoactif est hémodynamique et se réfère à un problème de vidange vésicale. Selon l’International Continence Society (ICS), il s’agit d’une contraction détrusorienne d’amplitude et de durée réduites, responsable d’une vidange vésicale prolongée, avec ou sans vidange complète de la vessie dans un délai normal. « Une définition imprécise, reconnaît le Dr Véronique Phé, aucun seuil ne permettant de déterminer l’amplitude ou la durée de la contraction, ni le temps de vidange. »

La définition donnée par l’ICS pour la vessie hypoactive est clinique : c’est un syndrome caractérisé par un jet urinaire faible, hésitant, la nécessité de tousser pour uriner, associée ou non avec une sensation de vidange incomplète. S’y ajoutent parfois des symptômes liés à la phase de remplissage vésical : pollakiurie, urgenturie, etc. Cette définition ne tient pas compte du mécanisme physiopathologique ni de l’étiologie, qui peut être soit une hypoactivité détrusorienne soit une obstruction située sous le détrusor. Il existe de larges recouvrements entre vessie hypoactive et détrusor hypoactif.

En l’absence de définition précise, le diagnostic repose sur un faisceau d’éléments cliniques et urodynamiques. « Le bilan urodynamique ne doit pas se limiter à la phase de remplissage, et doit explorer la phase mictionnelle pour une étude complète des pressions et des débits », insiste l’urologue.

Une pathologie fréquente et encore mal cernée

Si le manque de précision dans les définitions complique les études épidémiologiques, on sait que l’hypoactivité de la vessie et/ou du détrusor est fréquente. Une étude du New England Journal of Medicine retrouve un détrusor hypoactif chez deux tiers des patients âgés institutionnalisés et chez 75 % des femmes se plaignant de rétention urinaire.

Les principales causes en sont les maladies neurologiques, le diabète, le vieillissement vésical et l’obstruction sous-vésicale. Les mécanismes physiopathologiques sont divers et intriqués. Les anomalies peuvent toucher chaque niveau du contrôle mictionnel : elles peuvent être d’origine myogène avec altération des propriétés intrinsèques contractiles du détrusor, d’origine neurogène avec des altérations au niveau des afférences (maladie neurologique, diabète) ou du système efférent, blessure médullaire, lésions supramédullaires, etc.

Quelles stratégies thérapeutiques ?

L’objectif du traitement est d’améliorer la symptomatologie, la qualité de vie et de limiter les complications liées à une mauvaise vidange vésicale. Dans la mesure où il n’existe pas de traitement étiologique se pose souvent la question de savoir quand ne pas intervenir !

Globalement il existe trois stratégies :

– pour améliorer la vidange, on peut proposer une rééducation du comportement mictionnel du patient, des autosondages intermittents ou la pose d’une sonde urinaire à demeure, voire la mise en place de dérivations urinaires continentes ou non ;

– pour diminuer les résistances sous-vésicales, on peut faire appel à la rééducation, prescrire des alpha-bloquants dont l’efficacité est modérée, ou envisager la levée de l’obstacle (résection de la prostate, incision du col, etc.) ;

– pour augmenter la contractilité du détrusor, on peut recourir à la neuromodulation des racines sacrées, ou, dans les vessies médullaires, à la stimulation des racines sacrées antérieures dite de Brindley associée à une radicotomie postérieure. Mais cette technique est irréversible et expose à des effets secondaires telles que la disparition de l’éjaculation, de l’érection ou de la lubrification vaginale chez la femme.

D’autres traitements comme les parasympathicomimétiques sont inefficaces et très mal tolérés. L’injection de toxine botulique dans le sphincter est hors AMM, et son effet très modeste.

D’après un entretien avec le Dr Véronique Phé, La Pitié-Salpetrière (Paris)

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Bilan Spécialiste