Expérimentée depuis plusieurs années, la téléconsultation pourra être remboursée par l’Assurance maladie sous certaines conditions à partir du 15 septembre. Son entrée dans le droit commun doit permettre d’améliorer l’accès aux soins. De substantielles économies sont attendues avec la réduction des hospitalisations inutiles. Décryptage de ce mode de télémédecine qui pourrait révolutionner les pratiques.
Finies les expérimentations, place à la téléconsultation remboursée pour tous. La consultation à distance entre un médecin et un patient fait son entrée dans le droit commun le 15 septembre 2018. Il s’agit de la première étape de l’entrée en vigueur de l’avenant 6 sur la télémédecine signé en juin dernier par la totalité des syndicats de praticiens libéraux (CSMF, FMF, SML, MG France et Le Bloc). Les patients pourront désormais bénéficier d’un remboursement de la téléconsultation avec les mêmes règles de prise en charge que pour une consultation classique : 70 % par l’Assurance maladie et 30 % par la complémentaire ou 100 % pour les patients en affection longue durée (ALD) avec possibilité de tiers payant pour les ALD, la maternité, la CMU-C et l’ACS.
Sécurité des données
Lors des négociations, le directeur général de l’Assurance maladie Nicolas Revel et les syndicats se sont mis d’accord sur des règles simples afin que la téléconsultation puisse se développer rapidement. « Nous avons arrêté un cadre très ouvert sans conditions techniques, cliniques et médicales. Nous renvoyons la décision de recourir ou non à ce type d’actes au médecin. Il jugera si la situation du patient est compatible avec la téléconsultation », a précisé Nicolas Revel.
Pour être remboursée, la téléconsultation doit cependant respecter quelques prérequis. Elle doit s’effectuer en visioconférence de manière sécurisée, via une plateforme certifiée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) afin de protéger le partage de données de santé et le secret médical. Les partenaires conventionnels n’ont délibérément pas fourni de liste exhaustive des plateformes à utiliser afin de laisser le choix au médecin et de pas limiter les initiatives. « Des solutions de télémédecine complètes et répondant aux exigences de sécurité vont se développer progressivement », indique l’Assurance maladie.
Respect du parcours de soins
La téléconsultation remboursée s’inscrit également dans le respect du parcours de soins et est obligatoirement initiée par le médecin traitant. Le patient doit être connu du médecin téléconsultant et « avoir bénéficié d’au moins une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents, avant toute facturation de téléconsultation, afin que celui-ci puisse disposer des informations nécessaires à la réalisation d’un suivi médical de qualité », précise l’avenant.
Ces consultations doivent permettre de réduire les déplacements des patients, les hospitalisations inutiles et éviter les passages aux urgences. Le développement de la téléconsultation devrait en effet se traduire par des économies pour les pouvoirs publics : un passage aux urgences coûte 160 euros, selon les chiffres de la Cour des comptes.
Plusieurs cas de figure s’offrent aux médecins qui souhaitent se lancer, en fonction de leur matériel et de l’offre en télémédecine mise à disposition des patients à proximité de leur domicile. Le plus simple est l’échange avec le malade sur ordinateur ou smartphone via un logiciel ou une appli vidéo. Le généraliste planifie une téléconsultation avec lui et lui transmet le lien Internet à suivre pour s’identifier et échanger. En l’absence de matériel connecté – stétho, thermomètre, dermatoscope connectés... –, le généraliste réserve cette option aux consultations sans examen, comme le renouvellement d’un traitement.
Du simple appel visio à la télécabine
Concernant les outils de communication conseillés, l’Assurance maladie estime que les applis visio qui existent déjà sur le marché (type Skype ou FaceTime) sont suffisamment sécurisées pour l’échange lorsque le patient est connu du médecin. Attention cependant, ils ne répondent pas aux exigences de sécurité pour les envois de documents médicaux (photo pour un problème dermato par exemple). Mieux vaut donc se tourner vers des opérateurs qui proposent déjà des solutions de télémédecine complètes et permettent d’échanger sereinement des données de santé.
Deuxième cas de figure, la téléconsultation avec, d’un côté de l’écran, le patient en présence d’un autre professionnel de santé armé de matériel connecté (infirmier, pharmacien), et de l’autre le généraliste. Cette solution concerne les zones dépourvues de médecin ou les patients en difficulté avec Internet comme les personnes âgées. L’accès à un poste de téléconsultation de type chariot, cabine ou mallette près de chez soi permet d’éviter les déplacements tout en réalisant un examen clinique plus approfondi.
Exceptions
L’avenant 6 prévoit des exceptions au parcours de soins en téléconsultation. C’est le cas pour les moins de 16 ans, les détenus ou pour une consultation en accès direct (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, psychiatrie, pédiatrie) qui peuvent faire une téléconsultation sans passer par leur médecin traitant. Si le patient n’en dispose pas ou que celui-ci « n’est pas disponible dans le délai compatible avec leur état de santé », il peut aussi bénéficier d’une téléconsultation de médecine générale. Dans ces situations, l’avenant oblige à s’appuyer sur des organisations locales de médecins à l’échelle des territoires (centres et maisons de santé ou les communautés professionnelles territoriales de santé, CPTS) qui l’orienteront vers des plateformes privées de téléconsultation. Ces organisations territoriales de téléconsultation devront être validées par les commissions paritaires locales ou régionales (CPL ou CPR).
Dans ces cas d’exception, l’avenant exige un retour vers le médecin traitant avec l’envoi d’un compte rendu, sauf si le patient s’y oppose. L’émergence de ces regroupements territoriaux de médecins proposant de la téléconsultation devrait cependant prendre du temps. « La liste des structures localement habilitées à faire de la téléconsultation dans ce cadre sera partagée avec les professionnels de santé », assure la Cnam. Les CPAM, les ARS et les professionnels de santé du territoire seront chargés d’identifier ces organisations territoriales et d’en informer les patients.
Rémunérée comme un G
La téléconsultation ne nécessite pas de modification de la nomenclature puisqu’elle sera valorisée à hauteur d’une consultation de visu, soit 25 euros pour le généraliste, plus les majorations éventuelles. Le patient se trouvant à distance du médecin pourra recourir au paiement en ligne par carte bancaire et sera exempté de contrôle de carte vitale. « La feuille de soins sera émise sans la carte Vitale, le patient étant connu de son médecin, et la vérification de ses droits se fera via le service en ligne ADRi », précise la Cnam.
Par ailleurs, les médecins vont recevoir une aide financière via un nouveau volet du forfait structure pour s’équiper en matériel et financer l’abonnement à une plateforme. Une enveloppe de 525 euros par an et par praticien est prévue dès 2019 pour « l’aide à l’équipement pour vidéotransmission sécurisée » (50 points, 350 euros) et pour les « équipements médicaux connectés » (25 points, 175 euros).
Concernant le coût de cette nouvelle disposition pour l’Assurance maladie, le directeur général estime pour l’instant « difficile de l’évaluer » mais prédit qu’il sera « minime ». Nicolas Revel prévoit que ces téléconsultations remplacent des consultations qui se faisaient déjà en présentiel. La prochaine étape de la mise en place de l’avenant 6 concernera la télé-expertise. Ces demandes d’avis ponctuel verront le jour en 2020.