Le récent congrès français d’ORL a permis de faire le point sur les anosmies induites par le SARS-CoV-2. Si ces troubles ont surpris initialement par leur nombre et leur caractère isolé, les observations accumulées depuis suggèrent qu’il s’agit finalement d’un phénomène post-viral assez classique. Avec notamment des données rassurantes quant à l’évolution à terme.
Le Covid-19 aura au moins eu cela de bon : il aura remis à l’honneur l’exploration des troubles de l’odorat et leur prise en charge, comme en témoigne le récent congrès de la société française d’ORL (SFORL, Paris, 2 au 3 octobre). Après plus d’un an de pandémie, les multiples questions posées par les symptômes olfactifs étaient sans surprise en première place.
Moins de troubles de l’odorat aigu avec le variant Delta
L’incidence réelle des troubles de l’odorat liés au Covid est difficile à estimer. Elle s’est révélée très variable selon les pays ; peu décrite dans les pays asiatiques, elle a pu aller jusqu’à 40-50 % des cas de Covid dans certaines régions. D’autre part, il est difficile de distinguer les troubles de l’odorat des troubles du goût et, dans les formes graves, l’odorat ne constituait sans doute pas un symptôme de premier plan.
En France, si on se réfère aux études incluant les patients vus par les médecins traitants et aux urgences, l’incidence a pu être de 15 à 20 %, et le fait de perdre le goût et/ou l’odorat étaient plutôt le fait de formes légères à modérées. « Cette incidence varie aussi dans le temps, puisqu’actuellement, avec le variant Delta, on voit peu de troubles de l’odorat en aigu. Si la perte d’odorat nous a surpris au début de l’épidémie parce qu’elle était isolée, sans obstruction nasale ni rhinorrhée, le tableau est différent actuellement avec des troubles de l’odorat très sporadiques et plutôt dans un contexte de rhinites banales », explique le Dr Émilie Bequignon (Créteil).
Parmi les nombreuses spéculations physiopathologiques, l’hypothèse prédominante est que la protéine Spike se fixe plus particulièrement sur les cellules olfactives épithéliales et les voies olfactives et peut provoquer un œdème des fentes olfactives objectivables sur le scanner et l’IRM. « D’autres mécanismes sont vraisemblablement impliqués dans les anosmies persistantes mais sans qu’on ait pu les mettre en évidence », reconnaît le Pr Guillaume De Bonnecaze (Toulouse).
Une récupération dans 98 % des cas
Dans la très grande majorité des cas, ces troubles olfactifs disparaissent. Dans une cohorte de 2 200 soignants vus au début de la pandémie, 46 % s’étaient plaints initialement de l’odorat, mais très peu ont consulté pour un trouble persistant. On estime que l’odorat récupère dans 98 % des cas dans le mois qui suit avec parfois un passage par une parosmie qui, comme on l’avait déjà remarqué pour d’autres virus, annonce la récupération. « On peut donc considérer qu’il s’agit d’une anosmie post-virale similaire aux autres, si ce n’est qu’elle a été bien plus fréquente et avec une récupération meilleure (80 % dans les autres anosmies post-virales) », constate l’ORL. Mais la récupération peut être très longue, de plusieurs mois voire plus d’un an comme on l’a vu pour d’autres virus, ce qui doit permettre de redonner espoir aux patients. Il n’en reste pas moins que les troubles de l’odorat peuvent être très invalidants, en particulier dans certaines professions, et il faut pouvoir proposer une prise en charge.
En pratique, il faut toujours réaliser une endoscopie nasale, ne serait-ce que pour éliminer une autre cause, mais ses conditions de réalisation ont été très contraintes au cours de la pandémie, et on sait aussi que les autres causes d’anosmie ont été négligées. L’imagerie n’est indiquée que si l’anosmie persiste plus de 6 semaines ou si elle s’associe à d’autres signes, neurologiques en particulier. Il faut demander une IRM cérébrale et de la base du crâne, en coupes fines axiales et coronales centrées sur les fentes olfactives et les bulbes olfactifs. Les tests olfactifs ont connu un regain d’intérêt pour évaluer le seuil de détection des odeurs, mais aussi les capacités de discrimination et d’identification, avec des profils très variables selon les patients.
La rééducation olfactive, point clé de la prise en charge
Le traitement médicamenteux a connu des hauts et des bas au cours de la pandémie, puisqu’au début les corticoïdes et les lavages de nez étaient contre-indiqués. Actuellement, deux traitements émergent de la littérature, la corticothérapie orale et la rééducation de l’odorat. Il est difficile, cependant, d’évaluer exactement l’impact des corticostéroïdes oraux, dans une symptomatologie qui a les plus grandes chances de récupérer spontanément. Certains ORL continuent à préconiser d’ailleurs plutôt les lavages de nez et les corticoïdes par voie nasale.
Pour la rééducation, il existe différents protocoles, dont l’idée centrale est de faire sentir au moins quatre odeurs distinctes, avec ou sans appui visuel. Elle est fondamentale, même pour des anosmies prises en charge tardivement et il ne faut pas hésiter à la proposer aux patients. « Nous devrons faire appel aux orthophonistes pour assister, dans la rééducation olfactive, les patients peu compliants ou très atteints, remarque le Pr Sylvain Morinière (Tours). L’olfactométrie va prendre de plus en plus d’importance, et nous voulons déterminer les critères qui permettraient de rembourser la prise en charge et de reconnaître le handicap sensoriel. Cela sera aussi très utile pour les anosmies d’autres origines. »
CovidAnosmie, une application au service des patients
Alors que 500 000 à un million de personnes auraient été touchées par l’anosmie depuis le début de la pandémie en France, une équipe de Tours et l’association Anosmie.org ont développé l’application CovidAnosmie afin d’aider les patients dans leur rééducation olfactive. À côté d’un auto-questionnaire sur l’infection par SARS-CoV-2, les symptômes olfactifs et gustatifs et les signes associés, l’application propose de respirer deux fois par jour un panel de quatre odeurs, d’abord 15 secondes « en aveugle », à répéter 30 secondes plus tard en associant l’image du produit. « La première étude a confirmé l’amélioration notable du score olfactif chez les patients », se félicite le Dr Léa Periers (Tours).