Le nouveau contrat d’accès aux soins (C.A.S.), auquel a abouti la négociation sur les dépassements d’honoraires, pourrait-il séduire les généralistes ? En Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA, où les médecins de secteur 2 sont les plus nombreux, la plupart de vos représentants ne semblent guère douter de la signature de leurs confrères généralistes.
Inventé pour endiguer les dépassements excessifs de spécialistes, le nouveau contrat d’accès aux soins (C.A.S.) va-t-il être adopté d’abord par des généralistes ? Les généralistes secteur 2, peuvent en effet y adhérer. Et, paradoxalement, ils semblent plus enthousiastes que les spécialistes, tiraillés entre avantages et inconvénients d’un éventuel plafonnement de leurs honoraires. C’est ce que soutiennent la plupart des représentants des généralistes dans les zones concernées. Le SML Jean-Philippe Grundeler le confirme. Dans son département, les Yvelines, où, selon ses estimations, « environ 50 % des généralistes sont en secteur 2 », la plupart d’entre eux seraient prêts à signer. La réunion d’information organisée par l’USMY (Union des Syndicats Médicaux des Yvelines qui regroupe CSMF et SML) a réuni une trentaine de participants dont la moitié de généralistes. Une proportion qui excède largement la moyenne nationale : moins de 10 % des généralistes sont en secteur 2 contre quatre spécialistes sur dix.
Beaucoup d’arguments en faveur de l’adhésion
De là à prédire un succès du contrat d’accès aux soins chez les généralistes secteur 2, il n’y a qu’un pas que le Dr Grundeler franchit volontiers… Pour ces derniers, les arguments ne manquent pas en faveur de l’adhésion. Leurs dépassements sont généralement faibles et « ne seront pas augmentés en période de crise », précise le Dr Grundeler. En outre, leurs cotisations sociales seront prises en charge par la Sécu pour la partie d’activité réalisée à tarifs opposables. « Finie la double peine quand on soigne les patients qui relèvent de la CMU ou de l’AME ! », souligne le généraliste du Chesnay, qui explique que, dans ce cas de figure, tout en étant obligés de facturer les 23 euros réglementaires, les secteur 2 doivent payer leurs cotisations plein pot.
Cerise sur le gâteau : les confrères signataires du C.A.S pourront bénéficier des nouveaux forfaits du 1er juillet prévus en secteur 1. « Si on ne signe pas, les revalos nous échappent ! », martèle le secrétaire général du SML Yvelines, qui donnera le bon exemple en dépit des consignes nationales de son syndicat d’appartenance. « Ce n’est que du bonus ! », s’exclame-t-il.
Moins enthousiaste mais tout aussi convaincu des raisons de sa prochaine signature, le Dr François Raineri, également SML, adhérera lui aussi au C.A.S. malgré les recommandations de son syndicat. Première raison : sa zone d’installation, un quartier populaire de Massy, dans l’Essonne. « Ce contrat me permettra d’appliquer des tarifs opposables sans être pénalisé », dit-il. Le fait d’avoir une patientèle en partie « défavorisée » a fait pencher aussi le Dr Michel Partouche, généraliste à Lyon, pour le C.A.S. Ce médecin de 63 ans, réalise environ 40 % de ses actes à tarif opposable. Mais le praticien évoque aussi, plus généralement, « la pression de la Sécu » qui pèse sur les médecins qui oseraient « sortir du rang ».
Une Sécu Big Brother ? Pour Jean-François Giorla, responsable SML PACA, le C.A.S. est effectivement le symbole de la « mise sous tutelle des médecins ». Quoique généraliste de secteur 2, il n’adhérera pas au contrat afin de « garder la liberté d’appliquer les dépassements ». Pour lui, le contrat d’accès aux soins est « la mort annoncée du secteur 2 ». Et si on lui oppose la logique donnant-donnant du dispositif, le Dr Giorla répond qu’il serait « normal » que la Sécu prenne en charge les cotisations sociales des actes réalisés à tarifs opposables de tous les secteur 2 et pas seulement des adhérents au C.A.S.
Moins sévère, Charles-Henri Guez (SML Rhône-Alpes), praticien secteur 1, admet, tout en appelant à la prudence, l’intérêt « incontestable » du C.A.S, pour ceux qui font des dépassements faibles, comme les généralistes de secteur 2. Tout de même, il s’interroge : « Avec le temps, ce contrat sera-t-il toujours attractif et réversible ? »
Plus pragmatiques, les représentants régionaux de l’UNOF, branche généraliste de la CSMF, appellent leurs confrères à s’armer d’une calculette et à faire leurs comptes. « Nous conseillons aux généralistes de secteur 2 d’adhérer ou non en fonction de leurs honoraires. Si les dépassements ne sont pas très conséquents, il vaut mieux adhérer. S’ils sont élevés, ils ont intérêt à évaluer précisément leur situation », affirme le responsable Unof Ile-de-France, José Clavero. En Rhône-Alpes, Éric Anthoine pense aussi que le contrat d’accès aux soins pourrait effectivement intéresser « les généralistes de secteur 2 qui ne font pas de dépassements extraordinaires ». « Notre syndicat a signé l’accord. Or, nous invitons les médecins éligibles à le prendre… Tout en restant vigilant ! », affirme-t-il. « Cherche-t-on à faire disparaître la liberté d’honoraires ? C’est une question que les médecins de terrain se posent », concède néanmoins son confrère francilien.
Du côté de MG France, enfin, la réforme a goût de trop peu. Sans remettre en question la signature de l’avenant n° 8, ses représentants régionaux restent stoïques. « Si ce contrat peut améliorer l’accès aux soins, j’y suis favorable, mais l’idéal ce serait que les secteur 1 soient mieux payés », affirme Jean-Philippe Arnau, un des responsables du syndicat pour la région PACA. En Rhône-Alpes, Roger Bolliet ne se mouille pas. Tout en pointant le fait que, pour lui, la question du secteur 2 et du contrat d’accès aux soins est « marginale » pour les généralistes (à commencer par ceux de MG France massivement en secteur 1, NDLR), il rapporte que du côté des caisses, on observe que «ce contrat remporte plus de succès chez eux que chez les autres spés ».
Certains secteur 1 éligibles aussi
Les généralistes de secteur 2 ne sont d’ailleurs pas les seuls généralistes concernés par le dispositif. Car les anciens chefs de clinique et assistants des hôpitaux bloqués en secteur 1 pourront désormais aussi l’intégrer. Le Dr Clavero, ancien assistant des hôpitaux et chef de service à temps partiel, est dans ce cas. Pourtant, quoiqu’éligible au dispositif, lui n’a pas reçu, contrairement aux confrères secteur 2, de visite de DAM. Selon lui, les praticiens qui, comme lui, souhaitent adhérer, ont tout intérêt à se faire connaître auprès de la Sécu. Même si la « procédure d’équivalence des titres » qu’il va entamer ressemble à un véritable parcours du combattant : demande auprès de la CPAM, envoi du dossier à la CNAMTS, passage à l’Ordre qui, au bout d’un délai de deux ou trois mois, rendra son avis, retour à la CNAMTS et notification de la sentence à la CPAM… Ouf ! Certes, leurs titres seront désormais reconnus, mais les généralistes – ils seraient, par exemple, une trentaine en région parisienne – devront s’armer de patience avant d’obtenir gain de cause et le droit, tout en restant en secteur 1, de pratiquer des dépassements !