Le président ukrainien est arrivé à Hiroshima dans un avion de la République française que lui a généreusement octroyé Emmanuel Macron. Son objectif était principalement de présenter le dossier humanitaire de son pays, traité jusqu'à présent, par New Delhi et Pékin, comme une affaire relevant de la Realpolitik. Les dirigeants chinois et indien, pour la première fois, ont exprimé leur sympathie pour la cause ukrainienne mais sans rallier les thèses exposées par Zelensky. On peut estimer qu'il s'agit d'une avancée médiocre, mais en réalité, c'est, pour les deux géants démographiques du XXIe siècle, un pas considérable.
La guerre n'en est pas pour autant terminée et des inconnues subsistent. Parallèlement à ses efforts diplomatiques, Zelensky a enfin obtenu un aide substantielle en avions F-16 et en blindés. Nul ne doute qu'il va lancer la contre-offensive attendue depuis quelques semaines. Elle va nécessairement changer le profil de la guerre. Comme nous l'avons expliqué depuis le début du conflit et, surtout, depuis que les forces ukrainiennes avancent, Vladimir Poutine n'a pas donné d'autre choix au président ukrainien que de poursuivre le conflit jusqu'à ce qu'il l'emporte contre une armée russe plus nombreuse, sinon plus efficace.
Dans le tableau général de la guerre, les Occidentaux, eux non plus, ne voient pas d'autre issue qu'une victoire ukrainienne, ce qui explique qu'ils consentent maintenant à donner des avions à l'armée de l'air de Zelensky. C'est, derechef, l'Ukraine qui devra faire un gros sacrifice en hommes et en matériels. La différence avec la milice Wagner et les forces russes, c'est qu'elles n'ont pas le moral des Ukrainiens qui voient midi à leur porte et vont au combat la fleur au fusil. L'Ukraine n'est devenue si importante qu'à cause des enjeux, la liberté, la dignité, le droit international si souvent bafoué par ce monstre assoiffé de sang qu'est devenu le maître du Kremlin.
Leur vie et leur âme
Dans son déploiement inhumain de moyens militaires tout juste bons à assassiner des femmes et des enfants, Poutine s'est résolu à montrer les failles béantes du dispositif russe. Il avait juré de posséder des fusées invincibles capables de rayer de la carte une bonne partie de ses adversaires, mais ses fusées, abattues par le dispositif américain Patriot, n'ont pas résisté à un système de défense qui se révèle très efficace.
On a vite fait de dire que Zelensky va utiliser les armes américaines pour envahir le sud de la Russie, mais il n'en a ni la force ni l'envie. De la même manière, aucune armée ne peut occuper durablement l'Ukraine, vaste pays où se multiplieraient les groupes de guerilleros, et c'est pourquoi il ne faut pas prendre au sérieux les effets d'annonce utilisés par les belligérants. Le gouvernement ukrainien ne dit rien de ses pertes en hommes et en matériels, mais il est clair qu'il est affaibli. Quant à la Russie, elle s'abandonne au pessimisme, car, incapable de triompher, elle a choisi de se victimiser au maximum. Elle souffre d'être encerclée et menacée par les armées occidentales, elle ne parviendra pas à circonvenir les puissances hésitantes qui l'ont indirectement soutenue jusqu'à présent et si la défaite de Poutine est une nécessité, elle ne sera pas facile à obtenir.
Poutine a entraîné la Russie dans une mésaventure historique. Il peut envoyer des prisonniers de droit commun et des Tchétchènes sur le terrain, il ne peut pas gagner cette guerre. Il peut accumuler des symboles, par exemple la prise de Bakhmout, pauvre victime de sa paranoïa, il ne fera croire à personne qu'il est le favori. C'est pourquoi la Chine et l'Inde sont embarrassées. Elles n'ont plus envie de soutenir un canard boîteux et elles pensent que la coopération avec l'Ukraine, entièrement à reconstruire, constitue un meilleur choix. Nous assistons à la guerre comme des téléspectateuirs, mais les Ukrainies et les Russes y jouent leur avenir et, plus encore leur vie et leur âme.