Face à un patient âgé, le « réflexe » de chaque praticien est d’envisager très souvent un toilettage des lignes de prescription. Oui mais avec mesure ! Car, ce serait priver nos aînés des bénéfices démontrés de différentes classes thérapeutiques en prévention ou en traitement des maladies cardiovasculaires. Chez un patient très âgé sans comorbidité majeure, il n’y a pas lieu de stopper la statine. Il est vrai que son bénéfice n’est pas établi au-delà de 75 ans, mais pour autant « je n’arrête pas ce traitement sauf si le rapport bénéfice/risques devient défavorable », souligne le Pr Jacques Blacher (Hôpital Hôtel-Dieu, Paris).
Néanmoins, il est important de réévaluer le traitement lorsqu’apparaissent des comorbidités importantes. « En cas de réduction marquée de l’espérance de vie par cancer avec une médiane de survie inférieure à un an, les traitements de prévention sont moins intéressants », indique le spécialiste. La situation est différente en cas de mauvaise tolérance, il faut reconsidérer le traitement, mais il reste possible de remplacer une statine par une autre mieux tolérée avant d’arrêter le traitement. Si la iatrogénie est plus fréquente à un âge élevé, les problèmes de douleurs musculaires restent rares chez les patients âgés. De manière générale, l’allégement d’une prescription comprenant le traitement cardiovasculaire doit se faire de manière raisonnée en tenant compte de l’ensemble des facteurs de risque comme l’HTA, l’hypercholestérolémie et le diabète, mais aussi de la fragilité du patient.
HTA : des médicaments incontournables
Dans l’hypertension artérielle, les personnes âgées de plus de 80 ans sont soumises à un objectif tensionnel moins ambitieux : 150 mm Hg pour la systolique, alors qu’il est de 140 mm Hg pour la systolique avant 80 ans. Comme l’indiquent les dernières recommandations, si l’objectif tensionnel n’est pas atteint (inefficacité, efficacité insuffisante ou mauvaise tolérance), il est préférable de passer à une bithérapie, car elle améliore l’efficacité et réduit le risque d’effet indésirable, plutôt que de changer de monothérapie ou de forcer la dose. On ne peut pas associer plus de trois antihypertenseurs après 80 ans même si la systolique est supérieure à 150 mm Hg. Il faut avant tout viser le meilleur compromis entre efficacité et tolérance. Les incontournables sont les inhibiteurs calciques et les diurétiques thiazidiques. Chez le patient âgé, il convient d’être vigilant sur l’hypotension orthostatique, facteur de chutes potentiellement graves. Prudence également en cas de perte de poids par dénutrition ou chez certains patients fragiles. L’état tensionnel d’un patient âgé doit toujours être évalué globalement sur l’ensemble des médicaments prescrits. Il faut bien sûr prendre en compte la prise d’éventuels antihypertenseurs, mais aussi de certains autres médicaments (AINS, corticoïdes, antidépresseurs, neuroleptiques, antiparkinsoniens, médicaments utilisés pour l’adénome de la prostate) qui peuvent faire varier la pression artérielle ou induire une hypotension orthostatique.
Insuffisance cardiaque et hydratation
Pour le traitement de l’insuffisance cardiaque, le degré d’hydratation est un paramètre à prendre en compte, car c’est un facteur précipitant vers l’insuffisance rénale et l’hypotension orthostatique. Un défaut d’hydratation doit faire moduler la posologie des diurétiques. Pour s’y aider, un ionogramme sanguin comprenant une natrémie, et une créatininémie avec débit de filtration glomérulaire estimé sont à prévoir. Le patient doit être parfaitement informé des signes d’alerte que sont la déshydratation, la fièvre, les diarrhées et vomissements, la perte/prise de poids ou la survenue d’œdèmes ou de dyspnée. La coprescription peut être malfaisante : l’ajout d’un simple AINS peut faire basculer vers une insuffisance rénale d’autant que le pilier du traitement de l’insuffisance cardiaque repose sur IEC-diurétique (en plus des bêta-bloquants). « Il faut faire très attention à la tolérance et être à l’affût d’une décompensation cardiaque », résume le spécialiste. En pratique, le dosage du NT proBNP est utile pour authentifier une défaillance cardiaque.
Quant au défibrillateur automatique implantable, en théorie indiqué en cas de FEVG < 35 % malgré le traitement médicamenteux, son indication dépend de différents facteurs, dont la comorbidité et l’âge.
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