C’est dans l’émotion que s’est ouvert hier soir en Australie la 20ème conférence internationale sur le sida. Après un hommage rendu aux absents, morts dans le crash de l’avion de la Malaysia Airlines, les participants ont fait la promesse de tout faire pour venir à bout de cette maladie qui a déjà tué en 30 ans plus de 39 Millions de personnes.
Les réservoirs viraux font de la résistance
A ce titre, une étude présentée à Melbourne en ce début de congrès souligne la complexité du chantier. Ce travail, conduit chez le singe, suggère que la constitution des fameux réservoirs viraux du VIH -qui constituent aujourd'hui l’un des principaux obstacles à l’élimination du virus par les antirétroviraux- se fait de façon très précoce, moins de 3 jours après l’infection.
Dans cette étude, 20 singes, ont été infectés par le VIS (l’équivalent du VIH chez le primate) puis traités par antirétroviraux 3, 7 , 10 ou 14 jours après l'inocculation du virus.
Ceux traités 3 jours seulement après l'infection n'ont pas développé la réaction immunitaire propre à l'infection. Mais chez tous ces singes, la suppression du traitement au bout de 24 semaines a été suivie par une reprise de l'infection virale. Ce qui suggère une constitution très rapide des réservoirs viraux, avant le 3ème jour post infection.
Cette découverte représente "un défi nouveau et important pour les stratégies d'éradication du VIH", estiment les chercheurs américains qui ont conduit l'essai.
Elle explique aussi probablement les récentes évolutions du « Mississippi baby". Né infecté (d’une mère HIV+ mais dont la séropositivité était restée ignorée jusqu’à l’accouchement), ce nourrisson avait été traité par trithérapie de façon très précoce, moins de 30 heures après sa venue au monde. Cette stratégie avait permis de négativer la charge virale de l’enfant rapidement et durablement, et ce même après l’arrêt du traitement à l’âge de 18 mois. Mais le "rebond viral" est finalement arrivé avec le temps et après plus de deux ans sans traitement, la fillette est redevenue séropositive.
Une nouvelle étude en faveur de la circoncision
Côté prévention, une étude présentée ce matin confirme l’intérêt de la circoncision pour lutter contre le sida. Trois études antérieures avaient déjà montré que pour les hommes hétérosexuels, la circoncision réduit le risque de contracter le virus du sida de 60%. Ces résultats avaient poussé l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à recommander cette intervention dans certains pays et sur la base du volontariat, comme moyen de prévention, avec le port du préservatif. Mais certains experts craignaient que les hommes circoncis, persuadés d'être protégés par le biais de cette seule opération, délaissent le préservatif. L’étude présentée ce matin réfute cette hypothèse
Dans ce travail, des chercheurs de l'université d'Illinois (Chicago) ont suivi plus de 3.000 hommes âgés de 18 à 35 ans dans la province Nyanza au Kenya dont la moitié ayant bénéficié d’une circoncision. Pendant deux ans, tous les participants ont été interrogés, tous les six mois, sur leur vie sexuelle. Sur cette période, l’activité sexuelle des participants globalement augmenté, qu’ils soient ou non circoncis. Mais les pratiques sexuelles à risque -partenaires multiples, obtention de relations sexuelles contre de l'argent ou des cadeaux- ont diminué, tandis que l'utilisation des préservatifs augmentait.
En revanche , alors que 30% des sujets circoncis se considéraient comme hautement à risque avant l'opération, ils n'étaient plus que 14% à se classer dans cette catégorie après tandis que parmi les non circoncis, 24% se considéraient comme hautement à risque au début de l'étude et 21% à la fin.
Mais cette différence de perception ne débouchait pas sur des comportements sexuels différents et les hommes circoncis n’utilisaient pas moins le préservatif que les autres
Une déclaration contre l’homophobie
De façon plus politique, les participants à la conférence internationale sur le sida ont aussi exprimé ce matin leur colère à l'égard des pays dotés de lois qui stigmatisent l'homosexualité, les accusant de favoriser la propagation du virus. Pour Francoise Barre-Sinoussi, qui copréside l’événement :"La cruelle réalité est que dans toutes les régions du monde, les stigmatisations et la discrimination continuent d'être les principales barrières à un accès efficace aux soins. Nous devons une nouvelle fois crier bien fort que nous n'allons pas rester immobiles lorsque les gouvernements, en violation de tous les principes des droits de l'Homme, mettent en place des lois monstrueuses qui ne font que marginaliser des populations déjà vulnérables", a-t-elle martelé.
Dans ce contexte, les 12.000 participants à la conférence sont encouragés à signer une "Déclaration de Melbourne", qui souligne que tous les gays, lesbiennes et personnes transgenre "doivent avoir les mêmes droits et un accès égal à la prévention, aux soins, à l'information et aux services en matière de sida".
Une trithérapie prometteuse pour les tuberculoses multi-résistantes
Enfin, delà du VIH, ce premier jour de congrès s’est aussi fait l’écho « des progrès véritablement révolutionnaires concernant le traitement de l'hépatite C et la tuberculose", comme l’a souligné le Pr Sharon Lewin (Australie), co-président du congrès.
Sur ce plan une étude présentée aujourd’hui suggère qu’une trithérapie expérimentale pourrait réduire de manière significative le temps de traitement de patients atteints d'une souche de tuberculose multirésistante. Baptisée PaMZ, cette combinaison associe deux "candidats médicaments" (pas encore approuvés pour le traitement de la tuberculose), le Pa-824 et la moxifloxacin, au pyrazinamide. Elle a été testée en Afrique du Sud, auprès de 207 volontaires dont un cinquième était coinfecté par le VIH et 26 s'étaient avérés résistants aux antituberculeux traditionnels.
Sur cet échantillon, 71% des patients traités avec le protocole PaMZ ne comptaient plus de bacille de la tuberculose dans leurs crachats, en deux mois. Par comparaison, seuls 38% des malades traités avec le protocole standard étaient guéris en huit semaines. Les 26 malades résistants aux antuberculeux traditionnels ont tous été traités avec le PaMZ, sur une période de quatre à six mois.
Si les financements sont trouvés, la phase III pourrait démarrer d'ici la fin des années, a indiqué TB Alliance, une organisation dédiée à la recherche de traitements plus efficaces contre la tuberculose.
Bénédicte Gatin
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