Les pathologies cardiovasculaires et la dépression sont les deux causes les plus fréquentes d’incapacité et, depuis 2000, on a assisté à une explosion de la littérature sur leurs interactions, même si peu d’auteurs français s’y intéressent. La dépression est le plus néfaste des facteurs psychosociaux. En population générale adulte, la prévalence de la dépression est de 7,5 % mais elle est de 20 à 50 % chez les coronariens, de 50 % chez l’insuffisant cardiaque, de 20 % après angioplastie et de 50 % après chirurgie cardiaque. La dépression est un facteur de risque indépendant et un facteur pronostique dans la maladie coronarienne et l’insuffisance cardiaque. On connaît moins son rôle tout aussi important dans d’autres pathologies CV comme l’artérite des membres inférieurs, les événements thromboemboliques veineux mais aussi dans l’évolution des cardiopathies congénitales. La dépression favorise les troubles du rythme ventriculaires mais constitue aussi un facteur de risque pour la FA, avec une moins bonne évolution et un risque accru de récidive après ablation. Elle majore le risque de mort subite chez les patients atteints de cardiomyopathies hypertrophiques.
Les mécanismes physiopathologiques sont multiples, comportementaux mais aussi biologiques (dysfonctionnement du système nerveux autonome, augmentation des catécholamines, de l’activité inflammatoire, dysfonction endothéliale et plaquettaire). Il pourrait exister une sensibilité génétique commune à la dépression et à l’atteinte CV en particulier coronarienne. « Il est important de prendre en compte que ces interactions sont à double sens, les troubles anxiodépressifs favorisant les pathologies CV et inversement », insiste le Dr Jean-Pierre Houppe (cardio-psychologue, Saint-Michel-L’Observatoire).
Devant ce surrisque, il est indispensable de rechercher les troubles dépressifs, en faisant un diagnostic précis de la dépression et de tous les facteurs psychologiques en général. Si la prise en charge médicamenteuse et/ou les TCC sont efficaces sur la dépression, de plus en plus de publications suggèrent que les antidépresseurs n’auraient pas de grand impact sur la maladie coronarienne, l’IC et la mortalité. La Société européenne de cardiologie plaide pour une prise en charge globale, avec des antidépresseurs si nécessaire, des psychothérapies, et en insistant sur l’éducation thérapeutique et la réadaptation, l’activité physique restant le plus puissant des antidépresseurs.
Quand le sommeil s’en mêle
Les troubles du sommeil s’incrustent péjorativement dans les interactions maladies CV/troubles de l’humeur. Les syndromes d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) multiplient par 3 le risque de dépression et par 1,8 l’anxiété, un surrisque encore plus marqué chez les femmes que les hommes. « Mais les interactions sont complexes car les troubles du sommeil favorisent les troubles de l’humeur », prévient le Dr Jacques Taillard (neurologue, CHU de Bordeaux). On sait que le SAOS multiplie par 2 à 3 le risque de développer une maladie métabolique. Il provoque une désaturation en O2, augmente les pressions intrathoraciques, la pré- et postcharge cardiaque, la PA. Il stimule le système nerveux sympathique, majore le stress oxydatif, la dysfonction endothéliale et myocardique et les phénomènes inflammatoires.
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