« Des diagnostics tardifs, des difficultés de prise en charge de certains cancers liées à l’âge et/ou aux comorbidités et des tumeurs aux caractéristiques histopathologiques plus défavorables ». Tels sont les constats des premières études sur la survie du cancer réalisées dans trois départements et régions d’outre-mer (Drom). Si les résultats, publiés par Santé publique France, en partenariat avec le réseau Francim, les Hospices civils de Lyon et l’Inca, retrouvent des incidences des cancers plus basses, il ressort une survie nette standardisée globalement inférieure à celle de l’Hexagone.
Ces travaux d’observation et de surveillance épidémiologiques des cancers s’intéressent à des cancers diagnostiqués entre 2008 et 2015. Les auteurs, qui ont pris en compte dix localisations cancéreuses, « fréquentes et d’intérêt régional », comparent les estimations de survie à 1 et 5 ans avec celles de la France hexagonale. Ont ainsi été étudiés les cancers lèvre-bouche-pharynx, de l’œsophage, de l’estomac, du côlon et rectum, du poumon, du sein, du col de l’utérus, du corps de l’utérus, de la prostate, ainsi que le myélome multiple et le plasmocytome.
Le poids des facteurs socio-économiques
Pour les trois Drom étudiés, les auteurs font état d’indicateurs socio-économiques défavorables, notamment un taux de chômage plus élevé que dans l’Hexagone (jusqu’à 46 % chez les 15-29 ans en 2018 en Guadeloupe), et une forte incidence des maladies chroniques (diabète, hypertension artérielle) et du surpoids. Pour la Guadeloupe et La Réunion, est retrouvée une part importante de la population en dessous du seuil de pauvreté (34,5 et 48 % respectivement selon l’Insee). « Or, il a été observé que la survie des personnes atteintes de cancer tend à être plus basse chez celles vivant dans les environnements socio-économiques les plus défavorisés », analyse les études.
En outre, si La Réunion compte une population plutôt jeune, la Guadeloupe et la Martinique souffrent d’une population vieillissante. Enfin, dans ces territoires, l’offre de soins est significativement moins bonne qu’en métropole, avec un déficit de spécialistes en oncologie et un taux d’équipement en IRM inférieur (289 soignants pour 100 000 habitants versus 338/100 000 en métropole pour la Guadeloupe par exemple).
Cancer de la prostate, de l’estomac et du col de l’utérus très prévalents dans les Drom
Si l’incidence des cancers est inférieure dans ces Drom (la Martinique et la Guadeloupe comptent parmi les régions de France avec les plus faibles taux de cancers), certaines localisations présentent des incidences équivalentes voire, plus élevées, comme l’estomac et la prostate. Le cancer de la prostate est le cancer le plus prévalent par rapport à l’Hexagone, particulièrement dans les Antilles (Guadeloupe et Martinique), « où le risque de cancer de la prostate a été associé à l’exposition environnementale à la chlordécone ». De plus, « le large recours au dosage de l’antigène prostatique spécifique pourrait être associé à un plus grand nombre de diagnostics chez les patients de 50 ans pour de très petits cancers », précise l’analyse. Ainsi, en Guadeloupe, les cancers de la prostate représentent 33 % de tous les cas de cancers.
Dans le détail, au regard des dix localisations, les cancers les plus prévalents en Guadeloupe et en Martinique sont la prostate, l’estomac, le col de l’utérus et les myélomes ; à La Réunion, il s’agit de l’estomac, l’œsophage chez les hommes et le col de l’utérus. À noter, qu'en Martinique un programme de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus a été mis en place dès 1989 avec un taux de couverture de 40,9 % entre 2016 et 2018.
Une survie nette standardisée à 5 ans globalement inférieure
C’est à un an que la survie nette standardisée (SNS) est la plus critique pour tous les cancers dans les trois Drom. « Pour la majorité des cancers étudiés, les taux de mortalité en excès sont maximum au moment du diagnostic et durant les 2-3 années suivant le diagnostic », lit-on.
Concernant la SNS à 5 ans, les auteurs classent la survie en trois catégories de pronostic : favorable (supérieure à 65 %), intermédiaire (entre 33 et 65 %) et défavorable (inférieure à 33 %). Ainsi, dans les trois Drom, les cancers de la prostate et du sein sont les seuls cancers dont la SNS est favorable. Pour la prostate, les SNS sont de 95 % en Martinique, 94 % en Guadeloupe et 85 % à La Réunion versus 93 % en métropole ; pour le sein, 83 %, 79 % et 81 % versus 88 %.
Pour la Guadeloupe et la Martinique, la différence de SNS la plus importante est celle du cancer du corps de l'utérus avec 20 et 24 points de pourcentage de moins que l'Hexagone (74 %). À La Réunion, la différence de SNS la plus importante est plus modérée avec 8 points de pourcentage en moins pour lèvre-bouche-pharynx, sein, prostate et myélome. De manière générale, les cancers de mauvais pronostic sont : estomac (31 % en Martinique, 30 % en Guadeloupe et 25 % à La Réunion versus 30 % en métropole), poumon (16 %, 14 % et 17 % versus 20 %) et œsophage (3,5 % et 13 % versus 17 %).
Sérologie sans ordonnance, autotest : des outils efficaces pour améliorer le dépistage du VIH
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP