Quelle est l’efficacité des bêtabloquants en traitement de longue durée après un infarctus du myocarde (IDM) chez les patients à fraction d’éjection préservée dans l’objectif de réduire le risque de décès toutes causes et de nouvel infarctus ? C’est ce qu’a voulu savoir une équipe dans une étude publiée dans The New England Journal of Medicine.
Les auteurs rappellent que les bénéfices de cette classe médicamenteuse avaient été montrés « chez les patients ayant fait un IDM étendu et, ce, avant les nouveaux biomarqueurs diagnostiques et les traitements tels que les interventions coronaires percutanées, les agents thrombotiques… ». Dans leur essai Reduce-AMI, multicentrique en ouvert, les patients inclus avaient eu un IDM aigu et avaient tous bénéficié d’une coronographie, et leur fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) était d’au moins 50 %. Ils recevaient, soit un traitement au long cours par bêtabloquants sélectifs des récepteurs B1 (au moins 100 mg/j de métoprolol ou au moins 5 mg/j de bisoprolol), soit rien.
Cette étude apporte des éléments de réponse à une question de longue date
Dr Florian Zores, cardiologue à Strasbourg
L’essai a montré une absence de réduction du risque de décès ou de nouvel IDM avec le traitement par bêtabloquants. Pour le Dr Florian Zores, cardiologue et membre du groupe Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies de la Société française de cardiologie, « cette étude est la bienvenue et apporte des éléments de réponse à une question de longue date ».
Une cohorte suédoise suivie pendant 3,5 ans
Les 5 020 patients inclus, âgés en médiane de 65 ans, venaient pour 95,4 % de Suède (les autres centres étaient en Estonie et en Nouvelle-Zélande) et ont eu un suivi médian de 3,5 ans. Parmi eux, 22,5 % étaient des femmes, 35,2 % avaient une élévation du segment ST, 46,2 % souffraient d’hypertension, 14 % avaient un diabète de type 2, 7,1 % avaient un antécédent d’IDM et 0,7 % avait une insuffisance cardiaque. Le critère principal était un composite des décès toutes causes ou un nouvel infarctus du myocarde ; les critères secondaires comprenaient la survenue d’un décès toutes causes ou de cause cardiovasculaire, d’un IDM ou d’une hospitalisation pour fibrillation atriale ou insuffisance cardiaque.
Dans le groupe bêtabloquants (BB) [n = 2 508], 7,9 % des patients sont décédés ou ont fait un nouvel IDM contre 8,3 % dans le groupe sans BB (HR = 0,96). De plus, le groupe BB n’a pas présenté d’incidences plus faibles des critères secondaires par rapport au groupe sans BB. Concernant la sécurité, les groupes BB et sans BB ont présenté respectivement 3,4 et 3,2 % d’événements indésirables. Les auteurs signalent également qu’« aucune association apparente n'a été observée entre la dose cible du traitement par bêtabloquant et le critère d'évaluation principal ». Les patients de la cohorte suédoise ont participé aux visites de suivi de la cohorte ; après un an, l'incidence et la sévérité des symptômes étaient similaires dans les deux groupes.
La grande inconnue ce sont les FEVG comprises entre 40 et 49 %, pour l’instant il vaut mieux mettre sous bêtabloquants que ne rien prescrire
Dr Florian Zores, cardiologue à Strasbourg
Réévaluer des pratiques acquises
Le Dr Zores, qui avait déjà tendance depuis quelques années à arrêter au plus tôt les bêtabloquants pour ce profil de malades, se réjouit de voir une étude qui « essaie d’enlever des médicaments à des patients déjà polymédiqués ». Selon lui, « il est essentiel de réévaluer des pratiques jugées acquises, et il y a fort à parier que les recommandations européennes prendront ces données en compte pour l’indication des bêtabloquants chez les patients à FEVG préservée, la question se posant déjà depuis quelques années dans l’attente de données ». Ceci ne concerne pas bien sûr les patients ayant une FEVG inférieure à 40 % chez qui les bêtabloquants ont montré une efficacité pour la réduction de la mortalité.
« La grande inconnue ce sont les FEVG comprises entre 40 et 49 %, pour l’instant il vaut mieux mettre sous bêtabloquants que ne rien prescrire », expose-t-il. Les auteurs signalent d’ailleurs dans la discussion que leur étude n’a inclus que des patients dont la FEVG était au moins de 50 % et que, durant les travaux préliminaires, certains hésitaient à inclure les patients avec une FEVG comprise entre 40 et 49 %. Une méta-analyse ultérieure incluant ce type de patients a suggéré que les bêtabloquants auraient un effet bénéfique, tout comme une étude coréenne. Actuellement, trois autres essais évaluent le traitement à long terme par bêtabloquants chez des patients souffrant d'un IDM avec une FEVG d'au moins 40 %, cette fois en incluant les bêtabloquants non sélectifs.
T. Yndigegn et al., N Engl J Med, avril 2024;390:1372-81
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