C’est irrémédiable : « de 20 à 80 ans, la vitesse de la mémoire descend inexorablement », a précisé le Pr Francis Eustache, neurophysiologiste (Inserm, Caen), en préambule d’une plénière consacrée à la santé cognitive et à l’avancée en âge lors des récentes rencontres de Santé publique France (4 au 6 juin, Paris). À l’inverse du recul de la mémoire, la communication générale et le langage se maintiennent au fil du temps. Des études d’imagerie cérébrale confirment ces données en montrant que le fonctionnement de la mémoire est différent chez les séniors. Si l’activation du cerveau est ciblée chez les jeunes, elle est plus diffuse en avançant en âge. Globalement, l’encodage est conservé mais la récupération est moins bonne.
Interactions sociales, loisirs et sport en prévention
À l’IRM, les personnes âgées recrutent davantage de zones cérébrales que les jeunes, avec des phénomènes de compensation au fur et à mesure de la complexité des actions à entreprendre. Car il faut compter avec « la réserve cognitive », notion très importante. Elle permet de compenser les déficits fonctionnels jusqu’à des stades avancés de perte neuronale. Ainsi, Il a été démontré par autopsie que 25 % des personnes éduquées de la cohorte des Nurses américaines avaient les critères de maladie d’Alzheimer sans avoir les signes cliniques de la maladie. Elles montraient une « plus grande capacité à utiliser les réseaux et à les moduler en fonction des exigences », selon le Pr Eustache.
Au-delà du niveau d’études supérieures, facteur incertain et s’exprimant uniquement chez les femmes, les interactions sociales quantitatives et qualitatives, les loisirs, la stimulation intellectuelle et l’activité physique alimentent la réserve cognitive. Côté médical, il faut être attentif à l’hypertension artérielle, au diabète, à l’obésité et à l’hypercholestérolémie dans la tranche d’âge 40-60 ans car les lésions vasculaires et le stress oxydatif augmentent le risque ultérieur de troubles neurocognitifs majeurs. Les benzodiazépines et les pesticides jouent probablement un rôle. La dépression, les troubles du sommeil et l’hypovitaminose D sont des facteurs de risque controversés.
Audition rime avec cognition
Dans les études d’intervention, « le régime méditerranéen et la prise en charge de l’HTA ont montré une efficacité », a affirmé Laure Carcaillon-Bentata (Santé publique France). L’activité physique a aussi un rôle protecteur : « pas le stretching mais les activités en aérobie », a précisé le Pr Eustache. Plus étonnant, l’appareillage auditif est le plus fort facteur préventif dans une méta-analyse du Lancet. « Le cerveau est un système. Si on diminue la qualité et la quantité d’informations, il s’appauvrit », a commenté le Pr Hervé Platel (Caen).
Reste qu’il est difficile de démontrer l’intérêt des interventions préventives. Elles demandent une logistique complexe et peinent à dégager des conclusions : sept essais cliniques ont été négatifs dans le programme Guidage. Pour autant, « les études observationnelles apportent suffisamment d’évidence pour ne pas attendre avant de faire des recommandations », explique Sandrine Andrieu (Inserm, Toulouse). L’OMS vient d’ailleurs d’émettre des guidelines visant la réduction du risque de démence. Charles Alessi (Public Health England) a recommandé d’évaluer systématiquement les facteurs de risque de démence comme on mesure la pression artérielle au cours d’une consultation.
La musique protectrice
« Il existe une corrélation entre la densité de la substance grise et le nombre d’années de pratique musicale », explique le Pr Patel. D’où « une meilleure résistance à l’effet du vieillissement ». On constate un effet de la thérapie musicale chez les aphasiques, avec une fluidité accrue. La musicothérapie est aussi bénéfique aux patients atteints de maladie d’Alzheimer concernant l’évocation de souvenirs et la possibilité d’acquérir de nouvelles informations. Ce n’est pas la mémoire qui est sollicitée, mais une amélioration des réseaux entre les différentes aires auditives, sensitives et motrices. Une étude sur 18 jumeaux monozygotes montre que les musiciens ont une modification morphologique cérébrale liée à la pratique. n
Guidelines OMS sur www.who.int/en/
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