Une série de plaintes pour « blessures involontaires » et « tromperie aggravée » devraient être déposées dans la semaine à Paris par une dizaine de patients traités hors AMM par fluoroquinolones, ont annoncé trois avocats dans un communiqué, confirmant une information de franceinfo.
Les avocats Noémie Klein, Maxime Bailly et Martin Vettes représentent les intérêts de Philippe Coville, qui a déjà déposé plainte en octobre dernier, et d'une « dizaine d'autres patients » qui « ont consommé des antibiotiques de la famille des fluoroquinolones et souffrent d'effets indésirables parfois graves et potentiellement irréversibles ».
Défaut d'infomation
Selon le communiqué, « malgré plusieurs alertes sur leur dangerosité, notamment de la part de M. Coville, et les restrictions d'indications intervenues tardivement en 2019 au regard de leurs effets indésirables connus depuis des années, ces antibiotiques restent aujourd'hui massivement prescrits hors du champ de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ».
Les plaignants « estiment ne pas avoir été informés à la fois de la prescription hors AMM de l'antibiotique qui leur était délivrée mais aussi des effets indésirables dont ils ont commencé à souffrir dès après leur consommation », écrivent encore les avocats.
Ces patients espèrent par ces plaintes obtenir l'ouverture d'une enquête par le pôle Santé publique du tribunal judiciaire de Paris « afin de centraliser les investigations ».
Des indications restreintes depuis 2019
Comme le mentionne l’ANSM sur son site, les fluoroquinolones peuvent en effet être à l'origine d’effets indésirables « invalidants durables et potentiellement irréversibles », essentiellement à type de troubles neuro-psychiatriques, atteintes du système nerveux (neuropathies périphériques), affections musculo-squelettiques, ou encore des effets indésirables cardiaques « très rares mais graves » (anévrisme et dissection aortique, régurgitation/insuffisance des valves cardiaques).
Compte tenu de ces effets indésirables, l’agence européenne des médicaments (EMA) a réévalué en 2018-2019 le rapport bénéfice/risque des fluoroquinolones. Cela a conduit notamment « à restreindre leurs indications thérapeutiques et à actualiser leur profil de sécurité d'emploi », rappelle l'ANSM.
Si elles peuvent être indispensables dans le traitement de certaines infections bactériennes, les fluoroquinolones « ne doivent être prescrites qu'après avoir soigneusement évalué leurs bénéfices au regard des risques d’effets indésirables attendus, et après en avoir informé le patient », insiste l’ANSM. Une « prudence particulière » est préconisée chez les personnes âgées, les patients atteints d’insuffisance rénale, les patients ayant bénéficié de greffes d’organes solides et ceux traités simultanément par des corticoïdes, car le risque de tendinite et de rupture de tendon induites par les fluoroquinolones peut être plus élevé chez ces patients. L'utilisation concomitante de corticoïdes et de fluoroquinolones doit être évitée.
Plusieurs alertes officielles
Contactée par l’AFP, la Direction générale de la santé (DGS) indique qu'à l’issue de la réévaluation européenne, « les professionnels de santé ont été destinataires de plusieurs courriers sur les effets indésirables liés aux fluoroquinolones ». La DGS a par ailleurs publié un dossier thématique sur son site, demandé que des messages apparaissent dans les logiciels d’aide à la prescription et que le conseil de l'ordre des pharmaciens alerte l'ensemble des pharmacies, rappelle-t-elle. D’autres actions seraient en cours d’élaboration à l’ANSM, en lien avec les sociétés savantes et les associations de patients, dont l'envoi d’un mailing à destination de l’ensemble des professionnels de santé pouvant prescrire ces antibiotiques.
En France, « les médecins bénéficient d’une liberté de prescription, souligne par ailleurs la DGS. Ils ont donc la possibilité de prescrire un médicament en dehors de son AMM ». Mais cette prescription « impose une information éclairée du patient sur l'absence de prise en charge par l'assurance maladie le cas échéant, et sur les bénéfices et les risques encourus ».
Selon les données de Santé publique France, en ville les prescriptions de quinolones ont diminué de 50 % entre 2011 et 2021.
(avec AFP)
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