Où trouver de l’argent à l’heure où le déficit de la Sécurité sociale dérape ? Et comment couper l’herbe sous le pied d’un gouvernement toujours pas constitué, qui va s’installer dans un contexte de forte pression budgétaire ? De façon inédite, le lobby des entreprises du médicament (Leem) a lui-même présenté ce jeudi un plan d’économies « responsable » de 1,1 milliard d’euros, et ce « sans pénaliser les patients ».
Pas question d’utiliser la politique du rabot ou une maîtrise comptable : le premier levier du Leem, qui pourrait procurer 300 millions d’euros d’économies, consiste à réduire la consommation des médicaments, en encourageant leur bon usage et la baisse de certains volumes excessifs de prescriptions. Dans ce cadre déjà, la campagne menée auprès des généralistes, en juin dernier, pour optimiser les prescriptions auprès des personnes âgées polymédiquées de plus de 65 ans aurait donné des résultats encourageants. Selon Thierry Hulot, président du Leem, « un peu plus de 23 000 médecins généralistes » ont installé un dispositif de notification (financé par le syndicat patronal) qui apparaît lorsque le patient reçoit plus de cinq traitements. « Dans 250 000 cas sur un million de prescriptions pour les personnes âgées, ce dispositif a déjà fonctionné en alertant le médecin sur l’intérêt de revoir l’ordonnance », poursuit celui qui est aussi PDG de Merck France. Le Leem l’assure : son intervention se résume à financer la manœuvre, pas à s’immiscer dans le contenu de l’ordonnance.
Autre piste : l’accès à un panel étendu de médicaments sans prescription obligatoire, un « délistage » déjà réclamé par l’association NèreS (regroupant 29 laboratoires commercialisant des produits sans ordonnance). Le Leem estime que l’accès à un ce panel élargi de médicaments sans prescription obligatoire (sans toutefois les dérembourser lorsqu’ils continuent à être prescrits) permettrait de dégager 300 millions d’euros. « Il faut que cela soit encadré avec l’ANSM [Agence nationale de sécurité du médicament] et le régulateur, précise Thierry Hulot. Nous sommes prêts à accompagner cette opportunité ». Et de citer parmi les produits concernés des antifongiques utilisés dans le traitement des mycoses ou des traitements contre la rhinite.
Enfin, le syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique table sur 500 millions d'euros de frais financiers qui pourraient être évités, grâce à la réduction des délais de paiement par l'industrie pharmaceutique des remises consenties à l'Assurance-maladie.
Un secteur, premier contributeur de la Sécu
Ces propositions du Leem peuvent-elles peser au moment des arbitrages du PLFSS ? La stratégie proactive des industriels, en tout cas, est plutôt habile pour tenter de contrer la surtaxation d’un secteur qui se dit « déjà le premier contributeur aux économies de la Sécurité sociale ». Selon le Leem en effet, les industriels du médicament sont « pris en tenaille entre la fiscalité la plus forte d’Europe (avec cinq taxes spécifiques qui représentent 60 % du chiffre d’affaires des entreprises) et des prix en moyenne 10 % inférieurs à ceux des pays européens comparables ». D’où sa volonté de changer ce modèle économique qui « asphyxie » la filière…
Dans ce contexte, le syndicat patronal plaide pour une mesure d’urgence : « la maîtrise et le plafonnement » de la fameuse clause de sauvegarde (mécanisme correcteur qui permet de réguler le chiffre d’affaires a posteriori). En clair, cette clause ne doit pas dépasser le plafond de 1,6 milliard d’euros en 2024 (comme promis) et amorcer sa décrue dès l’an prochain (soit un milliard d’euros en 2025, 750 millions d’euros en 2026 et 500 millions d’euros maximum en 2027). Le Leem invite aussi le futur gouvernement à enrayer « la course excessive à la baisse des prix ». En cette période incertaine, il vaut mieux prévenir que guérir.
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