Les acteurs de la filière française du plasma, réunis à l’occasion du congrès de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) à Paris (du 18 au 20 septembre), ont fait le point sur leur structuration, avec pour ambition de garantir la souveraineté sanitaire en la matière.
Le secteur des produits dérivés du plasma (immunoglobulines, albumine, facteurs de coagulation, etc.) connaît en effet une « très forte tension d’approvisionnement », a rappelé Frédéric Pacoud, président de l’Établissement français du sang (EFS). Les États-Unis, où les dons de plasma sont rémunérés, dominent le marché en concentrant 70 % de la production mondiale. Actuellement 65 % des besoins français en immunoglobuline sont couverts par des produits étrangers, principalement américains. « La situation n’est pas tenable », juge-t-il. Il est « crucial de renforcer nos capacités de collecte » pour réduire notre dépendance, ajoute-t-il.
Des revalorisations tarifaires qui boostent la filière
Une « impulsion décisive » a été donnée par l’État avec la revalorisation, il y a quelques semaines, des tarifs de cession du plasma au partenaire de l’EFS, le Laboratoire français de fractionnement et des biotechnologies (LFB). Cette hausse, applicable dès janvier prochain, est un « premier pas majeur pour le financement de la collecte », poursuit Frédéric Pacoud. Le défi reste d’être en capacité de livrer au LFB 1,4 million de litres de plasma chaque année, détaille-t-il.
L’EFS va par ailleurs « amplifier ses investissements » qui se révèlent « indispensables » pour rénover les 104 Maisons du don existantes pour un « meilleur accueil des donneurs », mais aussi pour augmenter le nombre de professionnels pour la collecte et développer de nouveaux équipements, explique son président. L’enjeu est de recruter et fidéliser les volontaires. En 2023, 142 000 donneurs de plasma actifs étaient recensés, soit une hausse de 31 % par rapport à 2022. D’ici à la fin de la décennie, l’ambition est de doubler ce nombre avec des donneurs qui viennent au moins trois fois par an.
La publication d’un avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), prévu « dans les prochaines semaines », sur la rémunération des dons pourrait dégager de nouvelles pistes pour amplifier le vivier de candidats au don. L’avis pourrait en effet ouvrir la voie à des « aménagements » au régime actuel, en maintenant les exigences éthiques, explique Frédéric Pacoud.
En Europe, plusieurs pays ont des dons rémunérés, avec des montants fixés par l’État et un plafond de dons annuels : Hongrie, République tchèque, Autriche et Allemagne. Alors que la France, où 24 dons par donneurs sont autorisés annuellement, ne parvient à collecter que 11 litres pour 1 000 habitants, l’Allemagne cumule 44 litres / 1 000 (avec une limite de 60 litres annuels par donneurs), l’Autriche 66 et les États-Unis 104, souligne Jacques Brom, directeur général du LFB. Mais pour Jacques Allegra, président de la Fédération française des donneurs de sang bénévoles, si chaque volontaire « faisait 4 dons par an », les objectifs affichés seraient « à notre portée » sans en passer par la rémunération. Selon lui, les donneurs souhaitent surtout une simple facilitation de l’acte.
Une usine à Arras pour les besoins nationaux
Du côté du LFB, qui fractionne le plasma collecté par l’EFS et distribue ses produits dérivés sur le territoire, un investissement industriel « majeur » devrait permettre de tripler les capacités de production, annonce son responsable, Jacques Brom. Une nouvelle usine doit ouvrir ses portes d’ici à la fin de l’année à Arras. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a déjà accordé au site l’autorisation d’ouverture. Et une production de lots de validation pour confirmer la qualité des produits dérivés du plasma a déjà été effectuée. Sur le court terme, le LFB attend « prochainement » une revalorisation des prix de vente des immunoglobulines en France, indique Jacques Brom.
Ces évolutions vont dans le sens d’un « système efficient, de la collecte à la transformation et la délivrance », commente Jean-Philippe Plançon, président de l’association contre les neuropathies périphériques. Alors que les tensions d’approvisionnement sont une « horreur depuis des décennies pour les patients », l’État envoie des « signaux forts » avec la revalorisation des tarifs, salue-t-il.
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