Ce 13 février, pour Catherine Vautrin, était une journée consacrée aux médicaments. Le matin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités a effectué un déplacement dans une officine parisienne « pour parler avec les pharmaciens de ville de leur quotidien et des tensions d’approvisionnement des médicaments », a-t-elle indiqué sur Twitter. Avant d’ajouter : « Des annonces sont à venir ».
L’après-midi, un rendez-vous avec les industriels du Leem était prévu à son agenda, avait-elle confié au Quotidien quelques jours plus tôt. Objectif de la rencontre : s’attaquer au lien entre posologies moyennes et conditionnement des médicaments. « La pénurie de médicaments existe ; le gaspillage aussi. Il faut donc s’atteler à trouver des solutions », insistait-elle en interview. Souci : la ministre a annulé au dernier moment le rendez-vous. Ses équipes, rassurantes, l’ont confirmé : il s’agit d’un simple report ; une nouvelle date sera rapidement trouvée. La volonté d’avancer sur le sujet est là.
Offensive des socialistes
De fait, ça bouge sur le sujet de la pénurie de médicaments. Après plusieurs mois d’inaction que le secteur n’a pas manqué de reprocher aux prédécesseurs de Catherine Vautrin, le Parlement et le gouvernement passent la vitesse supérieure.
À l’Assemblée, le groupe socialiste va défendre dans le cadre de sa niche parlementaire une proposition de loi (PPL) ad hoc, qui sera examinée le 29 février en séance publique. Dans l’intervalle, les commissions soumettent les parties prenantes à des auditions depuis le 6 février.
Chaque député est concerné dans sa circonscription par cette situation catastrophique pour les malades et pour les officines
Valérie Rabault, députée socialiste du Tarn-et-Garonne
Il faut dire qu’il y a urgence. En 2023, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a enregistré 4 925 signalements de rupture de stock et de risques de rupture, versus 3 761 en 2022, soit une hausse de 30,9 %. L’hiver dernier, les fortes tensions sur l’amoxicilline ont ravivé les craintes de pénuries sur des médicaments de première nécessité.
« Chaque député est concerné dans sa circonscription par cette situation catastrophique pour les malades et pour les officines qui se retrouvent dans des difficultés de gestion importante et qui sont confrontées à une forte impatience de leur patientèle », commente Valérie Rabault, parlementaire socialiste du Tarn-et-Garonne, à l’initiative du texte de loi.
Obligation de stock minimal
Cette proposition porte essentiellement sur l’obligation de constitution de stock minimal de sécurité applicable aux industriels. Dans un décret paru en 2021, trois durées différentes avaient été instaurées : deux mois minimum pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) ; un mois pour ceux ne relevant pas de cette catégorie mais contribuant à une politique de santé publique ; une semaine pour les autres médicaments ne relevant pas des MITM.
Or, critiquent les députés, sur plus de 6 000 MITM commercialisés en France, moins de un sur dix (422 médicaments) est soumis à cette obligation de deux mois. La PPL propose de doubler la durée du stock minimale, soit deux mois pour tous les médicaments et quatre mois pour les MITM, « pouvant aller jusqu’à huit mois pour ceux pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital ».
Agacement des industriels
Sans surprise, les industriels n’ont pas bondi d’enthousiasme. Auditionné le 8 février par les députés de la commission des Affaires sociales, le Gemme (génériques et biosimilaires) dénonce un texte de loi inapplicable « dans un contexte de saturation des capacités de production ». Selon l’association, le nombre d’unités d’amoxicilline délivrées par les laboratoires (61,7 millions) a été supérieur au nombre d’unités prescrites (59,6 millions) en 2023, soulignant que « le volume d’amoxicilline est resté comparable à celui de 2019 ».
Ce secteur industriel se dit éreinté par la clause de sauvegarde (impôt sur le chiffre d’affaires en cas de dérapage sur les dépenses), qui atteint en 2024 « un niveau historique de 300 millions d’euros », remettant en cause la viabilité du modèle économique du générique, avec « une profitabilité à peine à l’équilibre, voire négative ».
Par la voix du Leem, le secteur dans son ensemble se dit lui aussi « fermement opposé à cette proposition » de loi. Le syndicat dénonce lui aussi une mesure « contre-productive » dont l’impact économique serait « insupportable » pour les entreprises françaises.
Sanctions financières plus lourdes
Le deuxième article de la PPL ne trouve pas davantage grâce aux yeux des laboratoires. Les députés socialistes militent pour l’introduction de contrôles renforcés et de sanctions accrues. Les élus jugent le dispositif actuel (qui plafonne les sanctions financières à 30 % du dernier chiffre d’affaires réalisé) trop peu dissuasif. Ils souhaitent remonter la barre à 50 %. Le Gemme n’y voit rien d’autre qu’« une restriction de la pluralité de l’offre et une entrave aux capacités d’investissement dans la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement ».
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