Le gouvernement a annoncé mercredi 21 février sa feuille de route contre les pénuries 2024-2027 et a ciblé particulièrement les médecins et les pharmaciens, acteurs essentiels de la chaîne du médicament, pour mieux anticiper les risques de rupture.
Le temps presse. En 2023, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a enregistré 4 925 signalements et risques de ruptures de stocks, en hausse de 30 % par rapport à 2022. L’hiver avait été marqué par la carence de médicaments indispensables comme l’amoxicilline ou le doliprane pour les enfants. En janvier 2024, la situation s’est améliorée, mais reste fragile.
Anticiper les ruptures dès la prescription
Un des axes stratégiques consiste à fluidifier le circuit en lien direct avec les médecins prescripteurs et les pharmaciens. La feuille de route vise ainsi une transparence accrue de la chaîne d’approvisionnement, avec pour objectif d’éviter de prescrire des traitements indisponibles en pharmacie (et d’aider les praticiens à prescrire des alternatives).
Cela se jouera d’abord au niveau de l’information de rupture (alerte) délivrée au médecin, sur son logiciel, au moment de la prescription, en temps réel. Si le système fonctionne correctement, le pharmacien d’officine n’aura pas à contacter le médecin pour lui demander une alternative. La voie proposée est donc d’intégrer les disponibilités des médicaments dans les logiciels d’aide à la prescription (LAP), « en s’appuyant notamment sur les bases de données médicamenteuses ». Une phase pilote est prévue avec quelques éditeurs de logiciels volontaires d’ici à la fin du premier trimestre 2024, avec une montée en charge progressive et l’automatisation du dispositif après un retour d’expérience de l’expérimentation courant 2024. La finalité est de permettre au médecin « soit de prescrire autre chose », « soit de travailler sur la posologie qu’il va prescrire », a expliqué Catherine Vautrin.
En matière du bon usage du médicament, l'accent va porter sur l'adaptation du conditionnement à la durée du traitement et sur l'utilisation d'une « ordonnance de non-prescription d'antibiotiques », document que peut remplir un médecin pour expliquer à son patient pourquoi il ne lui prescrit pas d'antibiotiques.
Fluidier le DP-ruptures
Pour remplacer les médicaments non disponibles, les pharmaciens pourront s’appuyer sur des « tableaux d’équivalence » et les prescripteurs sur des « listes de concordance » établies en 2024 par les autorités réglementaires (ANSM et Haute Autorité de santé). Fin 2024, un point d’étape sera établi après une montée en charge progressive des recommandations et d’une liste de concordance pour les médicaments essentiels. L’alimentation des logiciels interviendrait progressivement à partir de 2025.
Le DP-ruptures, utilisé par 93 % des officines, sera optimisé et déployé partout. Tous les pharmaciens auront l’obligation de renseigner ce registre avec un message clair de type météo et les distributeurs seront obligés de le consulter. Pour l’instant, 84 % des médicaments dispensés en officine et 10 grossistes répartiteurs (98 % du marché) y sont connectés.
Une affaire de souveraineté
Autre priorité : garantir une forme de souveraineté française en matière de production pharmaceutique. Accent est mis ici sur le plan des relocalisations, lancé en juin 2023. Les difficultés avaient conduit à une liste de 300 médicaments essentiels (passée ensuite à 450), l’objectif étant d’en relocaliser une grande partie. « La meilleure manière de ne pas manquer de quelque chose, c’est de le produire chez nous, en France et en Europe », a expliqué Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie.
Une liste de 147 médicaments stratégiques présentant une vulnérabilité industrielle servira de référentiel
Feuille de route sur les pénuries de médicaments 2024-2027
Le nouveau plan prévoit ainsi un suivi renforcé de la part des autorités sanitaires sur ces médicaments prioritaires. Les efforts de relocalisation et de hausse des capacités de production visent en particulier une une sous-liste de 147 médicaments « stratégiques », « présentant une vulnérabilité industrielle, sélectionnés pour leur criticité thérapeutique et pour la dépendance aux fournisseurs extra-européens ».
Lors de son déplacement sur le site du laboratoire d’Aguettant en juin dernier, Emmanuel Macron avait déjà annoncé un guichet « relocalisation ou renforcement de la chaîne de valeurs des médicaments essentiels » octroyant des subventions aux industriels pour les aider à relocaliser. D’ici à mai, le nombre et l’identité des usines aidées par les pouvoirs publics sera publié. « La première relève a déjà eu lieu. Nous aurons davantage que 25 médicaments stratégiques relancés », affirme l’entourage de Catherine Vautrin.
Le levier des tarifs devrait aussi être actionné, de façon ciblée. Déjà, les prix de l’amoxicilline avaient été revalorisés cet été de 10 % en échange d’objectifs d’approvisionnements et de stocks à respecter. Une stratégie qui devrait se poursuivre, dans le cadre du CEPS – les laboratoires dénonçant de longue date les prix de vente peu attrayants de certains traitements. Mais, peut-on lire, « les mesures de revalorisation ciblée des prix devront être documentées par les industriels ».
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