Portrait moléculaire de la tumeur : la clé de l’accès précoce à un traitement potentiel

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Publié le 31/01/2020
Le screening moléculaire est un enjeu scientifique et cliniquevisant à renforcer la chaîne translationnelle allant de l’exploration moléculaire des tumeurs jusqu’au bénéfice thérapeutique du patient. Face à la diversité et l’hétérogénéité tumorale, l’approche agnostique peut dans certains cas répondre à l’enjeu thérapeutique, mais elle ne peut être la règle pour tous les cas. La décision doit être encadrée par une RCP moléculaire.
RCFR

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La RCP moléculaire ouvre l’accès aux médicaments. Cette réunion de concertation pluridisciplinaire offre une alternative aux patients présentant des cancers métastatiques, qui ne répondent plus aux traitements standard ou qui souffrent d’une forme de cancer rare. « La France est à la pointe du screening moléculaire ; l’enjeu est de garder cette dynamique, des liens étroits sont tissés entre les centres labellisés Inca qui font du screening moléculaire et les hôpitaux qui ont accès aux molécules dans le cadre d’essais cliniques », s’est félicité le Dr Christophe Massard (oncologue médical, chef de service, DITEP, Gustave-Roussy, Unicancer, Villejuif). La première maladie pour laquelle on a démontré l’intérêt du screening moléculaire est le cancer du poumon. « En dix ans, le cancer du poumon est devenu une maladie très hétérogène avec différentes altérations moléculaires identifiées : des mutations très ponctuelles, très oncogéniques et des événements plus rares, des translocations. » Pour chaque altération identifiée, des médicaments ont démontré leur activité. Les derniers en date sont les inhibiteurs de RET qui ont une activité impressionnante dans les cancers du poumon porteurs d’une translocation de RET (1 % des cas de cancers du poumon). « Un essai de phase I est ouvert, inhibiteur de RET versus chimiothérapie. »

 

La chaîne translationnelle…

Le premier enjeu est d’adresser les patients très précocement pour les inclure dans des essais cliniques précoces. Le deuxième enjeu est de développer des tests permettant de passer d’un panel de gènes à du whole exome ou du RNAseq, voire du whole genome. « Ces techniques de recherche sont entrées dans le soin, c’est une performance française. Avant Noël, la plateforme transgénomique sera utilisée dans le cadre du plan France Génomique 2025 et nous aurons les premiers patients qui bénéficieront d’un whole genome, whole exome, dans le cadre du soin. C’est un vrai défi. Les premiers patients qui pourront bénéficier de ce séquençage seront jeunes (moins de 40 ans) et présenteront des cancers avancés : soit des cancers pédiatriques, soit des leucémies », a affirmé Christophe Massard. C’est un enjeu scientifique et clinique visant à renforcer la chaîne translationnelle allant de l’exploration moléculaire des pathologies jusqu’au bénéfice thérapeutique du patient.

 

… donner de l’espoir à des malades en impasse thérapeutique

Les patients présentant un cancer du pancréas, en particulier un cancer du pancréas KRAS non muté – tumeurs qui ont des translocations multiples (NTRK, NRG1…) – peuvent potentiellement relever d’essais cliniques précoces. Il existe trois prérequis : « Il faut adresser ces patients en screening moléculaire dès la 1re ligne métastatique pour pouvoir anticiper les traitements de 2e, voire 3e ligne, a souligné l’oncologue. Il faut également avoir accès au tissu, or, 95 % des biopsies sont coulées dans de la paraffine et un certain nombre de tests ne sont disponibles que pour des tissus congelés. C’est un enjeu majeur de développer des tests en paraffine ou des tests différents tels que l’analyse de l’ADNc… Enfin, la recherche clinique n’est plus adaptée, les phases I incluent seulement 800 patients dans des essais précoces. Il faut d’autres types de protocoles tels que le protocole agnostique qui est probablement une des réponses à cette diversité et hétérogénéité tumorales. En vue d’un screening large, les protocoles Acsé (Accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes) sont également une réponse pour pouvoir traiter les patients. »

Succès et limites

Pour le Dr Manuel Rodrigues (Inserm U830, département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris), « on assiste à une diversification des sous-types moléculaires. Des processus oncogéniques communs peuvent être accessibles à des thérapies ciblées. Mais si l’approche agnostique remporte des succès dans les tumeurs avec des instabilités micro-satellitaires (MSI) ou des translocations de gènes NTRK – 0,3 % des cancers sont porteurs d’une altération NTRK quel que soit le type de cancer. Sous inhibiteurs de NTRK, on observe deux tiers de diminution de taille tumorale – il existe des limites dans l’extrapolation du bénéfice avec, pour contre-exemple, l’échec d’inhibiteur de BRAF dans les cancers colorectaux, alors qu’on observe un bénéfice très significatif dans les mélanomes et les cancers du poumon BRAF mutés. »

Des questions persistent : comment évaluer ces médicaments ? Quels sont les biomarqueurs pertinents ? Quel va être l’algorithme de décision ? Comment implémenter ces biomarqueurs dans ces algorithmes ? Quand penser à rechercher ces altérations ?

D’après la session « Pratique clinique : place de la RCP moléculaire pour l’exploitation des mutations tumorales rares pour le soin : enjeux et limites » dans le cadre des RCFr, avec le soutien des laboratoires Bayer.


Source : Décision Santé: 319