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Comment gérer les conséquences d’un essai clinique déceptif

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Publié le 15/03/2024
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Le PXT3003, candidat médicament du laboratoire Pharnext, semblait particulièrement prometteur pour traiter une neuropathie périphérique rare jusqu’à ce qu’un essai de phase 3 remette en cause les résultats cliniques précédents. Médecins investigateurs et neurologues ont dû surmonter leur propre déception et expliquer la situation aux patients.

À l’arrêt d’un essai, les médecins doivent répondre aux participants qui ont rapporté des effets bénéfiques

À l’arrêt d’un essai, les médecins doivent répondre aux participants qui ont rapporté des effets bénéfiques
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

PXT3003. Ces trois lettres et quatre chiffres ont suscité beaucoup d’espoirs chez les patients atteints de la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 1A (CMT1A), jusqu’à la publication d’un communiqué de Pharnext le 11 décembre 2023 informant que le bénéfice du produit n’avait pu être confirmé.

« Les patients atteints de CMT1A légère à modérée ont montré des signes d'amélioration, qu'ils soient sous traitement ou sous placebo, plutôt que la dégradation lente typique de la progression naturelle de la CMT1A. Cette amélioration inattendue dans le groupe placebo rend difficile l'interprétation des résultats basés sur ce critère », précise le laboratoire, qui a alors été contraint de fermer ses programmes cliniques en cours et d’arrêter la délivrance du candidat médicament.

Pour les personnes incluses, c’est la douche froide. Comme l’exprime Alexandre Hoyau, président de l’association CMT-France, « les attentes étaient très fortes, chez les patients comme chez les médecins investigateurs. Les réactions affectives ne peuvent pas être occultées. À ce stade, aucun élément ne nous permet de juger de manière rationnelle de l’efficacité scientifique du produit. Nous sommes des spectateurs déçus et nous devons répondre aux personnes malades qui ont eu accès à ce médicament sur une longue durée – six ans –, et pour lesquelles tout s’est arrêté brutalement. Certaines avaient rapporté des effets bénéfiques. C’est une situation qu’elles vivent très mal. Nous n’avons pas été associés de manière suffisante, notamment en termes d’information ».

Les médecins limités aux suppositions

« Nous sommes dans l'attente d'analyses plus poussées. Dans le cadre d'un essai thérapeutique, divers facteurs, même de faible importance, peuvent significativement influencer les résultats obtenus. Des ajustements méthodologiques par rapport aux phases antérieures de l'étude, ou une variabilité des pratiques entre différents centres ou pays, peuvent être déterminants », indique le Pr Shahram Attarian, coordonnateur de Filnemus – filière de santé pour les maladies rares dédiée à la prise en charge des maladies neuromusculaires – et chef du service des maladies neuromusculaires et de la sclérose latérale amyotrophique à l'AP-HM.

En tant qu’investigateur principal de l'essai clinique pour l'Europe (1), il a également été confronté à la nécessité d'expliquer cette situation aux participants et de gérer l'impact émotionnel. Toutes les consultations ont été reportées d’une semaine afin de préparer l'annonce. « L'équipe a communiqué avec empathie, encourageant les patients à garder espoir tout en reconnaissant les difficultés inhérentes à la situation », rapporte-t-il.

À Paris, la Dr Tanya Stojkovic, neurologue et responsable du centre de référence des maladies neuromusculaires à l'hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP), a aussi constaté à quel point l’arrêt de l’essai thérapeutique avait « affecté » les personnes incluses. « Nous comprenons les patients qui tenaient à ce traitement. Certains veulent même le reproduire en reprenant la combinaison des différents médicaments qui le composent et qui sont sur le marché. Or ce sont des doses infimes, ce n’est évidemment pas possible », explique-t-elle.

Analyses en sous-groupes

La question qui se pose aujourd’hui aux différents acteurs concerne le devenir de ces recherches. Selon Pharnext, « des données de l'essai suggèrent qu'il n'y a pas de détérioration de l'état des patients sous traitement, ce qui est un signe positif dans le contexte d'une maladie dégénérative comme la CMT1A ». L’entreprise, qui « garde espoir », souhaite poursuivre l’étude de ses données au premier semestre 2024. Déjà, « dans une analyse de sous-groupes, on observe une meilleure réponse des patients traités dont l’indice de masse corporelle est inférieur à 25 ou chez ceux qui sont âgés de moins de 45 ans ». Pharnext attend aussi beaucoup des résultats d’un autre essai de phase 3 avec PXT3003 mené actuellement en Chine, prévus eux aussi au premier semestre 2024.

« Un essai de cette envergure ne représente jamais un échec. Chaque donnée recueillie, chaque observation faite contribue de manière significative à notre compréhension globale, permettant d'affiner les stratégies de prise en charge des patients et de peaufiner les méthodologies futures. Il est impératif d’attendre les résultats définitifs », témoigne le Pr Shahram Attarian.

La Dr Tanya Stojkovic souligne pour sa part que d’autres essais sont en cours et surtout que de nouvelles pistes restent à explorer : « Pour la CMT1A, des études avec des ARN interférents pour réduire le taux de protéine PMP 22 sont intéressantes. Par ailleurs, les chercheurs n’ont sans doute pas suffisamment exploré les situations des patients qui présentent des formes bénignes, voire asymptomatiques, de la maladie de Charcot-Marie-Tooth ».

(1) Les essais cliniques ont été menés au Canada, aux États-Unis et en Europe

Hélène Delmotte

Source : Le Quotidien du Médecin