Un changement de stratégie vaccinale ciblant tout l'environnement des personnes infectées permettrait-il de lever les dernières hésitations vaccinales et de freiner davantage la circulation du SARS-CoV-2 ? C’est ce qu'avancent les auteurs d'une modélisation française publiée le 17 mars dans le journal Nature Communications.
Une couverture vaccinale plafonnante
« La vaccination a changé le cours de la pandémie de Covid-19 », rappelle le présent travail. Cependant, en France – comme dans d’autres pays européens – la couverture vaccinale stagne. « Au 15 mars 2022, l’estimation de la couverture vaccinale en population générale était de 79,5 % pour une primo-vaccination complète et de 58,4 % pour la dose de rappel », déplore Santé publique France. De quoi faire le lit de l’émergence de nouveaux variants. D’autant qu’avec la levée des restrictions sanitaires, une reprise épidémique se confirme.
Or les deux principales causes du plafonnement de la couverture vaccinale concernent les contraintes logistiques limitant encore l’accès aux vaccins et surtout une hésitation vaccinale persistante. « Dans ce contexte, de nombreux scientifiques estiment qu’il faut tester d’autres stratégies vaccinales favorisant accessibilité et acceptabilité pour une meilleure efficacité », explique l’Inserm par un communiqué.
La vaccination réactive, une variante de la vaccination en anneau
Parmi les alternatives prometteuses a été identifiée la vaccination réactive. Son principe apparaît similaire à celui de la vaccination en anneau, déjà mise en œuvre lors de certaines épidémies d’Ebola et qui consiste à vacciner tous les cas contacts (directs et indirects) d’un cas avéré.
Cependant, la vaccination réactive va plus loin en ciblant, autour du cas avéré, « un réseau (plus) étendu de contacts, à l’instar d’écoles ou de lieux de travail entiers », expliquent les auteurs. D’où sa capacité théorique à devancer la diffusion des agents pathogènes très transmissibles et à incubation courte comme le SARS-CoV-2, contre lequel cette stratégie a d’ailleurs déjà été appliquée. En effet, en France, cette approche a été mise en place dans le Covid-19 à Brest, Bordeaux et surtout Strasbourg peu après la découverte d’un des premiers clusters français du variant Delta. Cependant, son impact réel n’avait alors pas été analysé en détail.
Aussi, des épidémiologistes de l’Inserm, de l’Institut Pasteur, de la Haute école de santé publique (EHESP), de la Sorbonne et de Santé publique France ont évalué l’intérêt de cette vaccination réactive par Comirnaty (vaccin Pfizer) dans les écoles, les universités et les lieux de travail. Et ce, en modélisant son impact dans divers scénarios épidémiques caractérisés notamment par différents niveaux de circulation du virus et différentes couvertures vaccinales de la population.
La vaccination réactive efficace surtout dans les populations peu vaccinées
Résultat : « dans la plupart des scénarios, avec un même nombre de doses de vaccins, une stratégie réactive est plus efficace pour réduire le nombre de cas de Covid-19 que d’autres stratégies de vaccination », vaccination de masse y compris, résume l’Inserm.
Une conclusion qui semble surtout concerner les populations peu vaccinées, dans lesquelles une combinaison de la vaccination réactive et de la vaccination de masse s’avérerait également intéressante. « Par exemple, dans un contexte où la couverture vaccinale est d’environ 45 % et où la circulation virale est élevée, la réduction du nombre de cas sur une période de deux mois passe de 10 à 16 %, si on compare un programme de vaccination de masse avec un programme où la vaccination réactive est mise en place en parallèle à la vaccination de masse », résume l’Inserm.
Des moyens importants requis
Au contraire, ce constat se vérifierait moins en cas de couverture vaccinale élevée, comme c’est le cas en France. « Par exemple, avec une couverture vaccinale > 40 % , la réduction relative des taux d'attaque avec la vaccination réactive est plus faible qu'avec les alternatives non réactives », rapportent les auteurs. Car « la majorité de l’entourage de la personne infectée est déjà vaccinée », explique l’Inserm.
De plus, la vaccination réactive nécessite des moyens importants. À commencer évidemment par suffisamment de vaccins, mais aussi par un système robuste de traçage des cas contact et des unités mobiles de vaccination. Car pour être efficace, la stratégie doit être appliquée au plus tôt après la détection d’un cas index. « La réduction relative (passe) de 16 à 6 % lorsque (la vaccination réactive) n'est proposée qu'après la détection de 5 cas », signalent les auteurs.
À noter par ailleurs que les chercheurs semblent n'avoir pris en compte dans leurs modélisations que le variant Delta. Or Omicron, qui pourrait modifier leurs conclusions, est désormais dominant.
Une approche utile pour lever les hésitations vaccinales
Quoi qu’il en soit, pour les auteurs, la vaccination réactive reste, sinon une véritable alternative, au moins un complément intéressant à la vaccination de masse. « Une telle approche aurait quand même le bénéfice d’atteindre les personnes qui ne seraient pas encore vaccinées », avance l’Inserm. Car la vaccination réactive permettrait d’aller vers les personnes isolées. De plus, « le fait d’avoir été exposé au virus augmente la perception des risques et tend à rendre la vaccination plus acceptable », ajoute l’instance.
Au total, « il s’agit d’un outil qui (pourrait) être réutilisé et adapté en France dans le cas où un autre variant émergerait et où il faudrait (...) administrer d’éventuelles doses de rappel », explique à l’Inserm Chiara Poletto, chercheuse Inserm et co-auteure de l’étude. En juin dernier, la HAS considérait d’ailleurs elle aussi que cette stratégie semblait surtout pertinente pour freiner la circulation de nouveau variants. « En dehors de l’objectif de ralentissement de la propagation de variants émergents, la stratégie de vaccination réactive pourrait apporter un bénéfice supplémentaire limité, mais non négligeable, pour contenir une épidémie dès lors que la circulation virale est plus limitée sur un territoire donné », ajoutait l’autorité.
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