Si la persistance au long cours de symptômes post-Covid chez certains patients (ou Covid long) est désormais bien établie, les processus physiopathologiques sous-jacents sont encore mal connus.
Selon une étude Inserm/Université Paris cité/Université de Minho (Portugal), publiée dans la revue Nature Communications, des anomalies du système immunitaire associées à la présence persistante du virus dans les muqueuses pourraient entrer en ligne de compte.
Pour arriver à ces conclusions, les auteurs ont étudié sur des prélèvements sanguins, l'état immunitaire de 127 personnes six mois après leur infection (dont la moitié avait un Covid long avec fatigue, essoufflements, toux, douleurs musculaires ou thoraciques, anxiété…) et de 37 sujets contrôles n’ayant pas été infectées. Ils se sont notamment intéressés aux lymphocytes T (dont les cellules CD8) impliqués dans l’élimination du virus et les anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2.
De plus, des échantillons sanguins prélevés lors de la phase aiguë de la maladie chez 72 de ces patients, leur ont permis de comparer rétrospectivement le niveau d’inflammation au stade précoce chez les personnes ayant développé par la suite un Covid long ou non.
Des spécificités immunitaires identifiées
Cette démarche a conduit à identifier plusieurs marqueurs sanguins présents six mois après l’infection chez 70 à 80 % des personnes présentant un Covid long mais rares chez ceux n’ayant pas développé de forme longue.
Les chercheurs ont notamment montré qu’un sous-type de cellule CD8 exprimant le granzyme A, une protéine inflammatoire, était en excès, tandis qu’un autre sous-type exprimant l’intégrine b7 était en faible quantité. Or cette sous-population est essentielle pour contrôler les virus dans les muqueuses. Des anticorps IgA spécifiques du virus étaient également en surnombre alors qu’ils devraient être rapidement éliminés si le virus est absent.
Pour les auteurs, ces observations suggèrent la persistance du virus dans l’organisme et notamment dans les muqueuses. L’hypothèse est « que le SARS-CoV-2 pourrait se calfeutrer au niveau de la muqueuse intestinale car celle-ci est plus "permissive" sur le plan immunitaire que le reste de l’organisme, dans la mesure où elle doit tolérer la flore bactérienne, résume l’Inserm dans un communiqué. D’autres virus comme le VIH utilisent cette stratégie d’échappement. Initialement présent au niveau des muqueuses pulmonaires, le SARS-Cov-2 pourrait donc descendre au niveau intestinal et y persister sans que le système immunitaire ne parvienne à l’éliminer tout à fait ».
Par ailleurs, en évaluant le niveau d’inflammation initial au cours de la phase aiguë, les scientifiques ont observé une association entre une réponse inflammatoire initiale caractérisée notamment par des taux très élevés d’interféron IP-10 ou d’interleukine IL-6 et le risque de faire un Covid long par la suite. « Cela confirme des observations cliniques selon lesquelles la sévérité initiale de la Covid est associée à un risque plus élevé de développer un Covid long », précisent les chercheurs.
Vers des applications diagnostiques voire thérapeutiques ?
Ainsi, « une des hypothèses est que des personnes qui présentent précocement une immunodéficience plus exacerbée développent des formes initiales plus graves de la Covid-19 et ne parviennent pas à éliminer efficacement le virus qui passe dans les muqueuses intestinales, où il s’installe durablement. Le système immunitaire finit en quelque sorte par le tolérer au prix d’une persistance des symptômes d’intensité et de nature variables », explique Jérôme Estaquier, chercheur Inserm et co-auteur de l’étude.
À terme si ces résultats sont validés dans de nouvelles cohortes, certains de ces marqueurs pourraient servir d’outil diagnostic. « Si un dosage d’IgA à distance de la phase aiguë et éventuellement de cellules CD8 b7 permettait de diagnostiquer un Covid long, les médecins pourraient poser un diagnostic objectif, espère Jérôme Estaquier. Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à des cibles thérapeutiques sur la base de ces travaux ».
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