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Douleur chronique, l'efficacité des antidépresseurs en question

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Publié le 06/02/2023
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Selon une étude du BMJ, aucunes données de haut niveau de preuve ne soutiennent l'efficacité des antidépresseurs dans la douleur chronique, quelle que soit l'affection en cause.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Alors que les antidépresseurs sont communément utilisés pour traiter certaines douleurs chroniques, un travail publié dans le BMJ questionne le bien-fondé de cet usage.

En dehors des douleurs neuropathiques, les indications officielles des antidépresseurs à visée antalgique sont peu nombreuses. Pourtant, entre 2000 et 2015 « l’utilisation de ces médicaments a doublé dans les pays de l'OCDE, et leur utilisation hors AMM pour traiter certaines douleurs courantes (comme la fibromyalgie, les maux de tête persistants ou encore l'arthrose) a probablement contribué à cette augmentation » souligne le BMJ dans un communiqué.

26 revues systématiques passées au crible 

Dans ce contexte, une équipe australienne, dirigée par Giovanni Ferreira de l'Université de Sydney, a tenté de mieux appréhender l'efficacité, l'innocuité et la tolérance des antidépresseurs dans le traitement de la douleur en fonction de la classe utilisée et de la situation algique considérée. Les chercheurs ont passé au crible 26 revues systématiques dédiées à cette question et publiées entre 2012 et 2022. Regroupant 156 essais et plus de 25 000 participants, ces revues portaient au total sur huit classes d'antidépresseurs (et 42 molécules) testées versus placebo dans 22 états douloureux.

En utilisant les données de chaque revue, les chercheurs ont estimé les risques relatifs de douleur et les différences moyennes entre les groupes sur une échelle de 0 à 100, en tenant compte de la dose, de la durée du traitement et du nombre d'essais et de participants. Ils ont également évalué l'innocuité et la tolérance des molécules testées.

Peu de preuves d'efficacité solides

Résultats : « aucune revue n'a fourni de hauts niveaux de preuve sur l'efficacité des antidépresseurs contre la douleur, quelle que soit l'affection », résument les auteurs.

Neuf revues ont toutefois mis en évidence une certaine efficacité, avec notamment des données suggérant un bénéfice des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN) dans les maux de dos, la douleur postopératoire, la fibromyalgie et la douleur neuropathique avec un niveau de preuve modéré ; et dans la douleur liée au traitement du cancer du sein, l'arthrose du genou et les douleurs survenant dans un contexte de dépression, avec un faible niveau de preuve.

Des données de faible niveau de preuve suggèrent également que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) pourraient avoir une action antalgique chez les personnes souffrant de douleurs survenant dans un contexte de dépression et que les tricycliques pourraient être efficaces dans le syndrome du côlon irritable, les douleurs neuropathiques et les céphalées de tension chroniques.

Plaidoyer pour une approche plus nuancée

Cependant, de façon globale, dans 74 % des cas étudiés, les antidépresseurs n'étaient pas efficaces ou les preuves n'étaient pas concluantes.

Ainsi, si certains antidépresseurs peuvent avoir un impact sur la douleur, le bénéfice semble dépendre de la situation clinique et de la classe thérapeutique. Et « pour la plupart des adultes souffrant de douleur chronique, le traitement antidépresseur risque d'être décevant », prévient un éditorial publié avec l'étude.

Pour les auteurs, ces résultats plaident pour « une approche plus nuancée lors de la prescription d'antidépresseurs contre la douleur » en reconsidérant notamment la place des tricycliques. Car « bien que les trois quarts des antidépresseurs prescrits pour traiter un état douloureux soient des antidépresseurs tricycliques, les preuves de leur efficacité ne sont pas concluantes pour la plupart des situations douloureuses étudiées ».

Les chercheurs soulignent toutefois que leurs résultats doivent être interprétés avec prudence, la plupart des revues étudiées incluant peu d'essais. 


Source : lequotidiendumedecin.fr