C'est un résultat à prendre avec précaution et qui appelle d'autres travaux de recherche : selon les résultats de l'étude Epicéa publiés dans le journal Environmental Health Perspectives, il existerait une relation linéaire entre l'augmentation de la prévalence de la leucémie de l'enfant de moins de 15 ans et celle de la densité des surfaces consacrées à la vigne dans les 1 000 m qui entourent son lieu de résidence. Serait ainsi en cause la densité, et non la présence à elle seule, d'une vigne alentour.
Cette étude cas contrôle s'inscrit dans le cadre du programme Géocap consacré à la géolocalisation des sources d'exposition (proximité d'une centrale nucléaire ou d'une ligne à haute tension, radon, UV etc.) et leur impact sur le risque de cancer. Ses auteurs travaillent sur l'exposition aux pratiques agricoles en général, et n'avaient pas, à l'origine, l'objectif d'étudier le risque de leucémie associé spécifiquement à la proximité des vignes. Toutefois ils ont choisi ce type de culture pour des raisons pratiques : « Il s'agit d'une culture pérenne plus clairement identifiable que des cultures soumises à des rotations, par exemple, et qui fait l'objet de nombreux traitements phytosanitaires », explique Stéphanie Goujon, chercheuse Inserm et dernière autrice de l’étude. En 2020, une publication avait montré une légère association entre la densité d'exploitations agricoles et le risque de cancer.
Une exposition très hétérogène
Les chercheurs du laboratoire CRESS (Inserm/Université Paris Cité) ont travaillé en collaboration avec l'agence Santé publique France, et avec le soutien financier de l’Anses et de l’Inca. Ils ont conjugué plusieurs sources de données pour établir une cartographie du vignoble français : les données satellitaires Corine Land Cover, exhaustives mais peu précises, le registre parcellaire graphique alimenté par les agriculteurs qui souhaitent solliciter les aides de la PAC, très précis mais peu exhaustif, et la base de données Topo de l'IGN.
Ils ont ensuite géolocalisé les lieux de résidence de 3 711 enfants de moins de 15 ans atteints de leucémie entre 2006 et 2013, et d'un groupe témoin de 40 196 enfants non malades. Au total, 10 % de ces enfants avaient au moins une vigne à moins d'un kilomètre de leur lieu de résidence.
Les enfants ont été classés en 6 groupes correspondant à 6 situations allant de « pas de culture dans une unité urbaine de moins de 100 000 habitants » à « présence de vignes possible » et « présence probable ». La présence de vigne n'était jamais considérée comme certaine, eut égard aux incertitudes sur la géolocalisation du lieu de résidence et à la présence effective de l'enfant sur les lieux.
Jusqu'à 10 % d'augmentation du risque de leucémie lymphoblastique
Pour chaque augmentation de 10 % de la densité de vigne dans les 1 000 m autour de l'habitation des enfants, les auteurs constatent une augmentation de 4 % du risque de tous les types de leucémies, et de 10 % pour certains types particuliers comme la leucémie lymphoblastique. Ces résultats sont à la limite de la signification statistique, mais Stéphanie Goujon s'estime « très confiante dans la robustesse de ce résultat : nous avons recalculé ce résultat en prenant en compte les différents facteurs de confusion (exposition aux UV, pollution atmosphérique…) et avons toujours abouti au même résultat ».
Ces résultats sont très hétérogènes géographiquement, l'association étant plus forte dans les régions où la présence de vigne était la plus forte : Pays de la Loire, Grand-Est, Occitanie, et Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse.
En revanche, la simple présence de vignes à moins de 1 000 m du domicile n'augmente pas le risque populationnel de leucémie : 9,3 % des cas vivaient à moins d'un kilomètre d'une vigne, contre 10 % des témoins. « C'est assez logique, analyse Stéphanie Goujon, dans la mesure où l'on met dans une même catégorie des enfants cernés par les vignes et d'autres qui n'ont qu'une seule exploitation à la limite de la zone de 1 000 mètres. »
Une hypothèse qui reste à confirmer
L'augmentation du risque liée à la densité des terrains consacrés à la vigne reste modeste. « Avec 40 cas pour 1 million, la rareté de la leucémie chez l'enfant fait que nos données ne permettent pas à ce stade de confirmer l'hypothèse d'une augmentation continue du risque de leucémie avec la densification des exploitations viticoles », insiste Stéphanie Goujon.
Les chercheurs du CRESS vont poursuivre leur travail. La prochaine étape consistera à intégrer les différentes pratiques viticoles dans leur analyse, en faisant la distinction entre les agriculteurs qui utilisent des pesticides et ceux qui n'en utilisent pas. Des analyses concernant les autres cultures ainsi que d'autres types de cancers sont également en cours.
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