Maladie d’Alzheimer : un premier médicament visant les plaques amyloïdes autorisé aux États-Unis

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Publié le 08/06/2021
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

C’est un espoir pour des millions d’individus touchés par la maladie d’Alzheimer. La Food and Drug Administration (FDA) vient d’autoriser aux États-Unis la mise sur le marché d’un médicament d’un genre nouveau ciblant les plaques cérébrales de peptide bêta-amyloïde que présentent les patients atteints de cette démence : l’aducanumab-avwa, ou Aduhelm. C’est ce qu’ont annoncé hier soir l’autorité sanitaire américaine ainsi que les laboratoires impliqués dans le développement de ce médicament, Biogen et Eisai.

Alors que la FDA n’avait pas autorisé de médicament contre la maladie d’Alzheimer depuis 2003 et que seuls quatre traitements symptomatiques généralement mal tolérés, d’efficacité très modérée et déremboursés (le donépézil, la mémantine, la rivastigmine et la galantamine) sont disponibles en France, voilà plusieurs années que les chercheurs du monde entier s’emploient à mettre au point de nouvelles thérapies ciblant directement les lésions cérébrales caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Ainsi la recherche s’était-elle rapidement orientée vers des immunothérapies telles que l’aducanumab, capables d’éliminer le peptide bêta amyloïde et la protéine Tau, explique l’association France Alzheimer sur son site internet.

Dans ce contexte, l’Aduhelm a fait l’objet de trois essais cliniques – un essai de phase 1b et deux essais de phase 3 – conduits auprès d’un total de 3 482 patients, sur lesquels la FDA a fondé sa décision d’autoriser la molécule.

Réduction des plaques amyloïdes de : 60 à 70 %

De fait, d’après la FDA, ces essais apportent la preuve que l’aducanumab permet de réduire les lésions cérébrales amyloïdes chez les patients traités. « Les patients recevant le traitement ont présenté [au scanner] une réduction significative de la plaque bêta-amyloïde en fonction de la dose et du temps, tandis que les patients du groupe témoin des études n'avaient aucune réduction de la plaque bêta-amyloïde », rapporte l’autorité sanitaire. D’après Biogen, les essais auraient plus précisément mis en évidence une diminution de ces lésions de 59 % à 71 % après 18 mois de traitement. Or, avance le laboratoire, la réduction des plaques bêta-amyloïdes apparaît « raisonnablement susceptible de prédire un bénéfice clinique ».

Des effets secondaires neurologiques

Une efficacité toutefois obscurcie par des effets indésirables d’ordre neurologique. Outre un risque d’hypersensibilité et de diarrhées, les laboratoires rapportent en effet que plus de 40 % des patients traités avec l’Aduhelm pourraient présenter des anomalies à l’imagerie liées à l’amyloïde (Aria), soit, comme l’explique la FDA, un « gonflement temporaire de certaines zones du cerveau qui disparaît avec le temps ». Si la plupart du temps, ce type d’évènements s’avère asymptomatique, certains patients pourraient toutefois présenter des céphalées, des nausées, une confusion, et surtout des vertiges et des troubles de la vision pouvant occasionner des chutes – particulièrement délétères chez la personne âgée.

Des données d’efficacité clinique encore requises

Autre bémol : si l’Aduhelm a pour le moment prouvé son efficacité sur la réduction des lésions cérébrales liées à Alzheimer, des données claires relatives à une éventuelle diminution des symptômes cliniques de la maladie manquent encore. Et ce à cause d’une erreur stratégique du laboratoire, qui a décidé de conduire sur un des essais, avant que celui-ci ne touche à sa fin, une étude préliminaire dont les résultats se sont avérés négatifs, explique le Pr Bruno Dubois, Directeur de l'Institut de la Mémoire et de la Maladie d'Alzheimer, qui a participé aux études. Ainsi, de nouvelles investigations randomisées et contrôlées permettant de prouver les bénéfices cliniques du médicament sont attendues par la FDA pour que l’autorisation soit maintenue. En effet, le régulateur américain n'a pour le moment attribué à l’Aduhelm qu'une autorisation accélérée, conditionnelle, soumise à l’obtention de données complémentaires. « Si l'essai ne parvient pas à vérifier le bénéfice clinique, la FDA peut engager une procédure pour retirer l'approbation du médicament », prévient l’autorité sanitaire.

Quoi qu’il en soit, une demande d’AMM aurait en outre été déposée en Europe auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA), affirme le Pr Dubois. L’EMA ne devrait toutefois pas se prononcer avant la fin de l’année.


Source : lequotidiendumedecin.fr