Essai clinique

Médicaments anti-Covid-19 : des résultats prometteurs avec un antidépresseur

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Publié le 28/10/2021
Un essai clinique brésilien suggère qu'un traitement précoce de 10 jours par fluvoxamine permettrait de prévenir l'aggravation des patients vulnérables présentant un Covid-19 symptomatique. 

Crédit photo : GARO/PHANIE

Plusieurs mois après la controverse sur l'hydroxychloroquine, les vieux médicaments repositionnés dans le Covid-19 font-ils leur retour ? C’est ce que suggère un essai randomisé brésilien publié mercredi dans le Lancet Global Health portant sur la fluvoxamine (Floxyfral®). D’après cette étude, cet antidépresseur peu prescrit en France mais plus utilisé aux États-Unis pourrait permettre de réduire le risque d’hospitalisation chez les patients vulnérables récemment contaminés par le SARS-CoV-2.

Les antidépresseurs : des candidats sérieux au repositionnement

En fait, voilà déjà plusieurs mois que les antidépresseurs ont été identifiés comme de bons candidats traitements du Covid-19. Et ce, sur la base d’observations épidémiologiques.

Comme le rappelle l’Inserm, dès le début de l’épidémie, deux gérontopsychiatres français « ont constaté qu’aucun de leurs patients âgés hospitalisés dans leur service de psychiatrie, ne développait de forme symptomatique de Covid, même lorsqu’ils avaient été en contact avec des personnes positives ». Comme beaucoup de ces patients étaient traités par antidépresseurs, et parce que ces médicaments sont connus pour leurs propriétés anti-inflammatoires, l’hypothèse d’un effet préventif de ces molécules sur l’aggravation du Covid-19 a rapidement été avancée.

Une conjecture confortée par des études observationnelles, qui ont aussi permis de relever un lien particulièrement significatif entre inhibiteurs de la recapture de la sérotonine tels que la fluoxétine ou la fluvoxamine et réduction du risque développer un Covid-19 grave. Un effet inhibiteur de la réplication virale aurait même été observé in vitro, et un mécanisme d’action avancé.

Cependant, ces données encourageantes n’avaient jusqu’à présent donné lieu qu’à deux essais cliniques américains – tous deux sur la fluvoxamine. Mais si ceux-ci ont trouvé des signaux positifs, du fait d’un nombre réduit de patients inclus, leur puissance reste néanmoins trop faible pour conclure formellement à l’efficacité de l’antidépresseur. Ainsi les auteurs de la présente étude ont-ils proposé de confirmer ces résultats prometteurs par un travail de plus grande ampleur.

La fluvoxamine associée à une diminution du risque d’hospitalisation

Ces chercheurs ont recruté en ambulatoire près de 1 500 patients à haut risque de développer une forme grave de Covid-19 et présentant des symptômes d’une infection à SARS-CoV-2 documentée depuis moins de 7 jours. Ces volontaires ont été randomisés pour recevoir soit une cure courte de 10 jours de fluvoxamine (à la dose de 200 mg par jour, en deux prises), soit un placebo.

Résultat : « chez les patients ambulatoires à haut risque atteints de Covid-19, le traitement [précoce] par fluvoxamine […] a réduit le besoin d’hospitalisation », se félicitent les auteurs, qui définissent une hospitalisation à la fois comme un séjour de plus de 6 heures en service d’urgence et comme une admission dans un autre service hospitalier.

De fait, seuls 11 % des participants ayant reçu de la fluvoxamine sont restés plus de 6 heures aux urgences ou ont été admis dans un autre service hospitalier. Et ce, contre 16 % des volontaires du groupe placebo. Ainsi les auteurs concluent-ils à un risque d’hospitalisation diminué de 32 % (risque relatif RR : 0,68).

Ce résultat apparaît d’autant plus encourageant que le profil de sécurité du traitement semble favorable. « Nous n’avons pas trouvé de différence significative concernant le nombre d’événements indésirables survenus pendant le traitement chez les patients des groupes fluvoxamine et placebo », soulignent les auteurs, qui avancent aussi la facilité d’utilisation (par voie orale), le faible coût (2,78 € par boîte de 15 comprimés de 100 mg en France) et la « disponibilité généralisée » de la fluvoxamine.

Pas de données sur la capacité de la fluvoxamine à éviter les décès

Néanmoins, il semble encore trop tôt pour crier victoire. Car l’étude présente plusieurs zones d’ombre.

Première limite : ce travail ne permet pas de s’assurer que la fluvoxamine diminue également bien le risque de décès, relève l’Agence France Presse (AFP).

Mais surtout le critère principal de l’étude peut être aussi critiqué puisqu’habituellement, les passages aux urgences et les hospitalisations sont considérés séparément. Un choix que les auteurs justifient cependant par l’environnement particulier de l’essai. « Des urgences spécialisées ont été développées pour répondre à l'épidémie brésilienne, et nous avons considéré que l'observation et le traitement prolongés dans ces services étaient équivalents […] à une hospitalisation, car de nombreux patients qui auraient en temps normal été hospitalisés n’ont pas pu l’être en raison du débordement des hôpitaux. »


Source : lequotidiendumedecin.fr