La dysbiose serait l’un des mécanismes sous-jacents à la pathogenèse du diabète de type 2 (DT2) via les perturbations du métabolisme du glucose. Dans un papier publié dans Nature Medicine, une équipe américaine a identifié les espèces et souches de bactéries impliquées dans le dysfonctionnement du microbiote intestinal d’individus atteints de DT2. Dans certains cas, un portage de gènes spécifiques à la souche serait responsable de l’altération des processus biologiques sous-jacents au risque métabolique. Ce travail, en établissant des signatures microbiennes inter-cohortes du DT2, offre de nouvelles perspectives mécanistiques. Selon les auteurs, cette étude est « la plus vaste et la plus complète à ce jour sur le plan ethnique et géographique du microbiome intestinal de personnes atteintes de diabète de type 2, de prédiabète et d'un statut glycémique sain ».
Si l’association entre modification du microbiome intestinal et diabète de type 2 (DT2) nous est familière, l’exactitude de leurs intrications reste à préciser. Des recherches précédentes avaient déjà établi que certaines compositions de microbiote sont prédictives de l’apparition ultérieure d’un DT2 ; et d’autres avaient montré que les changements de microbiote entraînaient une augmentation du propionate d’imidazole, un métabolite favorisant l’insulinorésistance. Mais les mécanismes de ces associations n'avaient, à ce jour, pas pu être attribués à des souches microbiennes spécifiques. Pour les auteurs, si leurs résultats montrent que la dysbiose est causale, il est donc possible de « modifier le microbiome et de réduire le risque de diabète de type 2 ».
De la Prevotella copri dans le microbiome
Les auteurs, qui ont étudié les souches de 27 espèces, ont analysé 8 117 métagénomes provenant de 10 cohortes d'individus (54,4 % de femmes) atteints de DT2 (n = 1 851) ou de prédiabète (n = 2 770) et témoins normoglycémiques (n = 2 277) aux États-Unis, en Europe, en Israël et en Chine (Microbiome and Cardiometabolic Disease Consortium).
Parmi les espèces microbiennes identifiées, 30,9 % étaient présentes dans toutes les cohortes incluses (espèces universelles), 52,9 % dans deux à neuf cohortes (espèces chevauchantes) et 16,2 % restaient propres à une seule cohorte (espèces singulières). De façon attendue, la majorité des variations dans le microbiome intestinal était due à un déséquilibre entre les Bactéroïdètes et les Firmicutes. Les auteurs ont pu monter qu’une dysbiose de 19 espèces phylogénétiquement diverses est associée au DT2. Parmi elles, cinq étaient associées au DT2 et 14 à la fois au prédiabète et au DT2.
Parmi les nombreuses observations réalisées, les auteurs ont noté qu’un enrichissement en Clostridium bolteae ou encore un appauvrissement en Butyrivibrio crossotus, par exemple, sont responsables d’une dysbiose entraînant une augmentation du risque de DT2. Une souche de Prevotella copri - un microbe courant dans l'intestin qui a la capacité de produire de grandes quantités d'acides aminés à chaîne ramifiée (BCAA) - était plus fréquente dans les microbiotes intestinaux des patients diabétiques. Or, des études antérieures avaient montré que les personnes ayant des niveaux sanguins chroniquement élevés en BCAA présentent un risque plus élevé d'obésité et de DT2.
D’autres pistes indiquent que les bactériophages pourraient également être impliqués dans les dysfonctionnements bactériens. « Cela pourrait signifier que le virus infecte la bactérie et modifie sa fonction d'une manière qui augmente ou diminue le risque de diabète de type 2 », interprètent les auteurs. Enfin, autre résultat intéressant, la présence de deux espèces de streptocoques, habituellement retrouvées dans le microbiote buccal, suggérant chez les individus DT2 « une potentielle transmission des microbes oraux aux intestins, indicative d’un état pro-inflammatoire ».
« Avec cette vaste étude, nous avons posé deux questions. La première est la suivante : "Quel est le rôle des espèces et des souches qui composent le microbiome intestinal dans le diabète de type 2 ? L'autre est la suivante : "Que font ces microbes ?" », explique, dans un communiqué, Fenglei Wang, l’un des auteurs. « Lorsque nous avons analysé ces données, nous avons trouvé un ensemble relativement cohérent d'espèces microbiennes liées au diabète de type 2 dans toutes les populations étudiées. Nombre de ces espèces n'avaient jamais été signalées auparavant », détaille-t-il.
La dysbiose avant le diabète
Dans une sous-analyse, les chercheurs ont voulu identifier les microbiomes les moins susceptibles d’avoir été affectés par l’utilisation de médicaments ou par un statut glycémique élevé à long terme. Face à des résultats similaires à ceux de l’analyse principale, Fenglei Wang commente : « Il est possible que les modifications du microbiome surviennent en premier et que le diabète se développe plus tard, et non l'inverse, bien que de futures études prospectives ou interventionnelles soient nécessaires pour prouver fermement cette relation ».
Les auteurs reconnaissent des limites à leur travail : l’analyse des microbiomes a été faite à un moment donné et ne s’est pas attachée à étudier les modifications du microbiote intestinal ou l’état de la maladie au fil du temps.
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