Un nouveau patient VIH positif ayant reçu une greffe de moelle osseuse peut être considéré en rémission de son infection. C’est ce qu’a annoncé une équipe franco-suisse de l’Institut Pasteur et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) le 20 juillet, lors d’une conférence de presse organisée en amont du congrès de l’International AIDS Society (IAS) – qui doit débuter dans quelques jours.
Un sixième cas de rémission après greffe de moelle
Comme le rappelle l’Institut Pasteur dans un communiqué, jusqu’à présent, cinq patients infectés par le VIH avaient pu être considérés comme « probablement guéris » après une greffe de moelle osseuse : les patients de Berlin, Londres, Düsseldorf, de New York et de City of Hope. Dans ces cinq cas, avaient été recrutés des donneurs « portant la rare mutation génétique CCR5 delta 32, connue pour rendre les cellules naturellement résistantes au VIH », souligne l’Institut Pasteur.
Au contraire, les transplantations de cellules souches issues de donneurs ne présentant pas cette mutation et réalisées chez des patients VIH n’avaient, jusque-là, jamais permis à ces malades d’atteindre la rémission de leur infection. Et en l’absence de cette mutation chez les donneurs, « les quelques (patients receveurs) qui ont interrompu leur traitement (antirétroviral après la greffe) ont connu un rebond (de l’infection) en quelques mois », a expliqué Asier Sáez-Cirión, (responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur et co-auteur de ce travail) lors de la conférence de presse.
Rémission malgré l’absence de mutation CCR5 delta 32
Ainsi, rien ne semblait prédisposer ce « patient de Genève » à atteindre la rémission. Comme le détaille Asier Sáez-Cirión, ce patient diagnostiqué séropositif en 1990, sous antirétroviraux « depuis des décennies », avait développé en 2018 un sarcome myéloïde nécessitant une transplantation de cellules souches allogéniques. Faute de donneurs, il n’avait pas pu recevoir de cellules présentant la mutation CCR5 delta 32. Ainsi, le patient avait reçu des cellules souches classiques, permissives à l’infection.
Pourtant, la rémission semble bel et bien avoir été atteinte. « (Ce cas) indique qu’une rémission virale prolongée après transplantation de cellules souches allogénique est possible (même) en l’absence de la mutation CCR5 delta 32 », plaide Asier Sáez-Cirión. Après la greffe, « tous les marqueurs de l’infection à VIH ont diminué très rapidement (…), (jusqu’à ce que le virus) devienne indétectable par des analyses classiques en quelques mois ». Si quelques traces d’ADN viral ont néanmoins été retrouvées après la transplantation, des analyses ont suggéré « que ces traces étaient associées à des particules virales incapables de se répliquer », indique le chercheur.
Si bien que le traitement antirétroviral a peu à peu été allégé, puis « définitivement arrêté en novembre 2021 », rapporte l’Institut Pasteur. Un arrêt qui ne s’est pour le moment soldé par aucune récidive. « Jusqu’à aujourd’hui, après 20 mois d’interruption de traitement, cette personne n’a connu aucun rebond viral », s’enthousiasme Asier Sáez-Cirión. « Les analyses réalisées pendant (ces) 20 mois (…) n’ont détecté ni particules virales, ni réservoir viral activable, ni augmentation des réponses immunitaires contre le virus », précise l’Institut Pasteur.
Un traitement non généralisable
Cependant, ce patient reste à surveiller de près. Car il pourrait encore s’avérer porteur du virus. « Le virus pourrait (…) persister dans des cellules que nous n’avons pas analysées : il pourrait y avoir un rebond viral dans le futur », admet Asier Sáez-Cirión.
Surtout, reste à mieux comprendre pourquoi le recours à des cellules souches issues d’un donneur non porteur de la mutation CCR5 delta 32 a cette fois abouti à une rémission. Selon Asier Sáez-Cirión, une maladie du greffon contre l’hôte (Graft-versus-Host Disease, GvHD) chronique développée par le patient aurait pu contribuer à éliminer d’éventuelles cellules infectées résiduelles. Pour Alexandra Calmy, responsable de l’unité VIH/SIDA aux Hôpitaux Universitaires de Genève et co-auteur de l’étude, l’utilisation dans ce contexte de ruxolitinib – inhibiteur de Janus kinases indiqué contre certaines néoplasies myéloprolifératives et contre la GvHD – pourrait aussi avoir « réduit le réservoir (de cellules sanguines infectées) et prévenu le rebond ».
Quoi qu’il en soit, ce traitement particulièrement lourd ici requis pour une hémopathie grave intercurrente apparaît peu généralisable à tous les patients atteints de VIH.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce