En France, les médecins n’ont pas joué le rôle de pionnier dans la lutte contre le changement climatique. La santé paraissait au-dessus de ces contingences. La prise de conscience au Royaume-Uni s‘est opérée il y a de nombreuses années. En témoigne le programme d’action du National Institute of Health présenté le 7 octobre dernier à Paris* par Sarah Ouanhnon, Senior Net Zero Delivery Lead. Pourquoi s’y intéresser ? Le changement climatique, l’émergence des maladies infectieuses, la pollution ont un impact sur la santé des populations et menacent directement les avancées enregistrées sur l’augmentation de l’espérance de vie enregistrée au cours des dernières années. Ces facteurs heurtent aussi les conditions de délivrance de soins en cas d’inondations, d’orages, de vagues de chaleur. Enfin le système de santé est responsable de l’émission de carbone. Il est estimé au niveau mondial à l’origine de 4 à 5 % des émissions de gaz à effet de serre. Ce qui classerait la santé si on l’érigeait comme un système étatique au rang de cinquième pays après les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie. C’est une part de l’émission carbone très importante. Mais en prenant des mesures fortes, on peut réduire cet impact. « Le Royaume-Uni s’il tient ses engagements de l’accord de Paris, sauverait 5 700 vies grâce à une meilleure qualité de l’air, 38 000 vies avec une population plus active plus sportive. 100 000 vies seraient épargnées grâce à une alimentation plus saine. Le NHS s’est donné pour objectif le zéro carbone », précise Sarah Ouanhnon.
Dates butoirs : 2040 et 2045
Pour atteindre ces objectifs, le NHS a séparé son scope en deux, le scope 1 sur lequel le système de santé exerce une influence directe et le scope 2 avec une influence indirecte. Deux dates butoirs ont été fixées, la première en 2040 avec zéro carbone pour les émissions directement contrôlées, et la seconde cinq ans de plus en 2045 pour les émissions que l’on peut influencer. « Ces objectifs sont ambitieux mais réalistes. La manière dont on y arrive est aussi importante. C’est dès maintenant qu’il faut mettre en œuvre les réductions d’émissions de gaz à effet de serre et infléchir la courbe », nuance Sarah Ouanhnon. Certaines décisions sont plus faciles que d’autres. Pour les programmes d’immobiliers neufs, l’objectif est de s’assurer du respect des normes de construction durable. En cas de réhabilitation de l’ancien, l’efficience énergétique doit être vérifiée. Sont encouragés bien sûr le vélo, les véhicules électriques. Plus novateur, « nous avons présenté à la Cop 26 le premier prototype mondial d’une ambulance hybride électrique/hydrogène ».
L'achat est au cœur des enjeux
Mais c’est la problématique achat qui est au cœur de tous les enjeux. « Il faut penser offre et demande à la fois. On réclame ainsi aux fournisseurs de s’engager en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre. Leur message a été très clair. Donnez-nous de la visibilité. Nous avons publié cette feuille de route à dix ans. Avec la description des critères que nous allions inclure dans nos processus d’achat. Depuis cette année tous nos appels d’offres comprennent au minimum 10 % d’évaluations sur un critère social et environnemental. À partir de 2023 pour tous les contrats supérieurs à 5 millions de livres, on demande au fournisseur de présenter un plan de réduction carbone avec un objectif net au plus tard en 2050. Et à partir de 2024, cette exigence sera incluse dans tous les contrats, quel que soit leur montant. Nous demandons à nos fournisseurs de s’impliquer dans ce cercle vertueux. Et d’interroger ensuite leurs propres fournisseurs afin qu’ils s’engagent dans la réduction des émissions. Enfin, et là c’est plus difficile, on recueillera en 2028 des informations sur l’impact environnemental des produits ». Dans le système de santé, requérir l’empreinte carbone d’un médicament, d’un bureau, d’un ordinateur ne répond pas aux mêmes méthodes. Par ailleurs, tous les fournisseurs ne disposent pas des mêmes moyens. Ceux qui ne sont pas à but lucratif bénéficient ainsi de davantage de temps pour s’adapter. « Cela, c’est pour l’offre, si l’on regarde la demande, c’est réfléchir sur les modes d’achat. C’est d’augmenter la durée de vie des produits, les réutiliser. »
Réduire l'usage du papier de 50 %
Exemple classique, limiter le recours au papier s’avère payant. L’objectif est de réduire son usage de 50 % dans les cinq ans. Un hôpital à Bradford envoyait 1,5 million de lettres chaque année. Un système de transition a été mis en place pour diminuer ce nombre. Chaque lettre était dans un premier temps envoyée sous forme numérique. En cas de non-ouverture, une lettre était alors adressée en format papier. C’est un résultat gagnant pour tout le monde. En frais postaux, l’hôpital a économisé 190 000 livres sterling. C’est enfin 5 tonnes d’équivalent carbone économisées. Quand le papier s’avère incontournable, le papier recyclé est utilisé.
Médicaments et gaz à effet de serre
Les médicaments sont aussi des sources d’émission de gaz à effet de serre, à savoir les gaz anesthésiques et les aérosols pour les maladies respiratoires. « Au Royaume-Uni, nous avons les pires résultats en matière d’asthme. Les aérosols à base de poudre émettent moins d’émissions, comparés à ceux qui utilisent les gaz. C’est une opportunité en consultation de proposer un aérosol en poudre aux patients. »
Pour lutter contre le changement climatique, la seule réponse doit-elle être impulsée par le haut, par un système centralisé comme le NIH ? « Tout cela a commencé au niveau des établissements et pas au niveau national, répond Sarah Ouanhnon. C’est une boucle vertueuse. Chaque hôpital depuis juin dernier a rédigé un plan net zéro à 3 ou 5 ans. 9 employés sur 10 de la NIH estiment important de réduire l’empreinte carbone. » On imagine des résultats guère différents de ce côté-ci du Channel. Reste désormais à accélérer la mobilisation.
* Conférence sur la transition écologique des établissements de santé et le numérique éco-responsable.
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