En mai 2020, sollicité par une saisine conjointe du ministère de la Santé et du ministère de la Transition écologique, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a réalisé une évaluation des trois plans nationaux Santé Environnement PNSE1 (2004-2008), PNSE2 (2009-2013), PNSE 3 (2015-2019) et de leurs plans régionaux (PRSE) correspondants (1). « Jusqu’à présent, seules des évaluations ponctuelles avaient été menées. Ce présent travail était nécessaire », pointe le Pr Didier Lepelletier, président du HCSP.
Réalisant de nombreuses auditions, les 28 experts ont choisi quatre thématiques : polluants réglementés de l’air extérieur et pollens ; environnement intérieur (qualité de l’air dans les écoles, les crèches, habitat dégradé, radon, légionellose) ; risques émergents (nanomatériaux, perturbateurs endocriniens [PE], ondes électromagnétiques) ; impact des produits chimiques dans les biens de consommation, l’alimentation, l’environnement aquatique.
Du mieux pour la pollution atmosphérique
La pollution atmosphérique, classée cancérogène certain dès 2013, est jugée responsable, durant la période 2016-2019, de 40 000 décès anticipés par an et d'une perte de vie de huit mois pour les personnes de plus de 30 ans. Si les réductions des concentrations annuelles moyennes de NO2, SO2, et des particules fines PM10 et PM2,5 sont bien réelles, elles sont jugées insuffisantes (deux contentieux européens).
« En revanche, les concentrations moyennes d’ozone continuent d’augmenter favorisant la libération d’allergènes libres des grains de pollen, les rendant plus allergéniques avec des saisons polliniques plus précoces, plus longues et plus abondantes », explique le Dr Fabien Squinazi, président de la Commission spécialisée sur les risques liés à l’environnement (CSRE).
La campagne nationale de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (2013-2017) révèle que 84 % des écoles élémentaires et 51 % des écoles maternelles ont au moins une salle de classe avec un confinement de l’air élevé. Des chiffres inquiétants lorsqu’on sait qu’un renouvellement insuffisant de l’air intérieur génère des difficultés de concentration et favorise l’accumulation de polluants intérieurs, d’allergènes et d’agents infectieux aéroportés.
Concernant les nanomatériaux, Francelyne Marano, professeure émérite de biologie cellulaire et toxicologie à l'Université Paris Cité et ex-présidente de la CRSE, souligne que les actions des PNSE ont contribué à l’interdiction de l’E171 (dioxyde de titane) dans les bonbons et les aliments transformés et à la mise en place d’un dispositif de déclaration obligatoire des substances à l'état nanoparticulaire R-Nano, le premier en Europe mais qui reste à améliorer.
Perturbateurs endocriniens : protéger les femmes enceintes et les enfants
Les PE bénéficient dès 2014 d’une stratégie nationale (SNPE1) dont les actions ont été reprises dans le PNSE3, puis d'une deuxième (SNPE2) en 2019. La question des effets cocktail a conduit Santé publique France à lancer en 2014 le programme de biosurveillance Esteban (3) qui a mis en évidence l’imprégnation par les PE, les pesticides, les métaux lourds (cadmium) de la population et, souvent de façon plus importante, des enfants.
« Dans le cas des phtalates, l’étude française Elfe (4) montre que 99,6 % des femmes enceintes en France sont imprégnées par ces PE. Or, les liens entre imprégnation maternelle et retard de langage de l’enfant ou prématurité sont désormais établis », précise Francelyne Marano, préconisant des règlementations plus strictes, en particulier sur l’alimentation ultra-transformée, voire des interdictions et la protection prioritaire des femmes enceintes et des enfants.
Mieux connaître les effets de l’exposome (concept apparu dans le PNSE3) sur la santé est un sujet de recherche fort complexe qui appelle un soutien appuyé à travers des projets collaboratifs PEPR-Exposome (Programme Équipements Prioritaires de Recherche) et des études translationnelles (Expo-DIS).
Créer une filière spécifique en médecine
La création d’une journée nationale Santé Environnement permettrait de sensibiliser le grand public. « Il est urgent de mettre en place une formation de professionnels de santé avec possiblement la création d’une filière Santé Environnement en médecine », propose Daniel Bley, anthropologue biologiste, directeur de recherche CNRS émérite, ex-membre du CRSE.
Dans un contexte de dérèglement climatique majeur et face à l’urgence d’accélérer la réduction des expositions environnementales, apparaît clairement la nécessité de mettre en place une stratégie nationale, interministérielle, donnant aux plans une valeur juridique et un financement dédié. Tout en accordant une place plus importante aux territoires, là où œuvrent les professionnels de santé et acteurs de la santé environnementale.
(1) https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1223
(2) ADSP, revue n°120. https://www.presses.ehesp.fr/produit/sante-et-environnement/
(3) https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/esteban
(4) https://www.elfe-france.fr/
Sérologie sans ordonnance, autotest : des outils efficaces pour améliorer le dépistage du VIH
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP