La prévention en santé mentale nécessite d’aller « au-delà du cercle strict des experts, de dépasser l’approche purement médicale », a expliqué la Dr Rachel Bocher, lors du deuxième colloque « Villes et santé mentale » qui s’est déroulé à l’Assemblée nationale fin 2023. Cheffe du service de psychiatrie au CHU de Nantes et présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), elle est à l’origine de cet événement pluridisciplinaire (réunissant praticiens, scientifiques, architectes, anthropologues, élus…), dont la première édition s’était tenue à Nantes avec succès l’an dernier. Objectif : changer le regard de la société sur la santé mentale au sein des villes, en « interrogeant ses liens avec l’ensemble des déterminants sociaux et environnementaux » comme l’urbanisme, l’architecture, l’environnement, les arts ou le sport.
L’affaire de tous
Ce deuxième colloque a mis en lumière des projets qui intègrent concrètement la santé mentale dans la vie de la cité. Celle-ci est « l’affaire de tous, et en premier lieu celle des collectivités », souligne la Dr Bocher, persuadée que les villes ont un rôle majeur à jouer pour« organiser notre environnement social ». C’est l’ambition de Nantes qui s’est engagée « de longue date dans une politique volontariste pour améliorer le bien-être physique et psychique de ses habitants », assure la psychiatre. Le nouveau CHU (prévu pour 2027) sera construit sur l'île de Nantes, au cœur du futur quartier de la santé pensé comme un écosystème favorable avec médecins, chercheurs et entrepreneurs. Le projet est mené en collaboration avec la fondation d’entreprise AIA qui mène un travail de prospective urbaine sur la relation entre architecture, santé et environnement. Vice-présidente santé de cette fondation, Emmanuelle Gaudemer explique travailler sur « les déterminants de santé qui ne concernent pas les soins, mais les conditions sociales, économiques et environnementales dans lesquelles nous vivons ». Elle a réalisé à cet effet un « diagnostic de territoire », fondé sur les indicateurs de santé, ayant révélé « des signaux forts et faibles dont peuvent s’emparer les élus, mais aussi les maîtres d’ouvrage que nous côtoyons ». Les enjeux concernent les parcours de soins, la conception d’hôpitaux ouverts sur la ville et le bien-être patients et soignants.
Les villes ont un rôle majeur à jouer pour organiser notre environnement social
Rachel Bocher, psychiatre
Du logement à la qualité de l’air
Adjointe au maire de Lyon, déléguée à la santé, prévention et santé environnementale, Céline de Laurens active divers leviers pour favoriser la santé mentale. Outre la priorité donnée aux mobilités douces, le nouveau maire, Grégory Doucet (EELV), a décidé de végétaliser massivement la cité, une politique « coûteuse » qui exige un « engagement politique fort », assume l’adjointe au maire de Lyon qui préfère « investir 100 millions d’euros dans les espaces verts plutôt que de construire et de vendre des parcelles de terrain ». La capitale des Gaules agit aussi auprès des plus vulnérables, en particulier les jeunes, en expérimentant des crèches ou les cours en plein air ou en végétalisant les abords des écoles. « Le logement, la qualité de l’air, des eaux, des sols, la mobilité, le lien social, le travail, l’économie de l’emploi, l’alimentation, la lumière, le bruit », autant de déterminants de santé sur lesquels les villes peuvent jouer, énumère Céline de Laurens.
La ville est synonyme de « bruit et de nuisances sonores » mais aussi « d’opportunités », plaide Sylvie Justome (Génération Écologie). L’adjointe au maire de Bordeaux chargée de la sécurité sanitaire et de la santé considère même que le « lien social est le premier facteur de bien-être mental ». Raison pour laquelle sa ville a emprunté au Canada le projet « 10 jours sans écrans ». Objectif : concrétiser la prévention à la surexposition aux écrans dès le plus jeune âge. Le dispositif a touché « 5 000 écoliers l’année dernière, 6 000 cette année », ce qui permet aussi « d’embarquer les parents », se réjouit l’élue écologiste.
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