Assez peu restrictives, les réglementations de la Food and Drug Administration (FDA) sur la e-cigarette sont contournables et contournées par l’industrie du tabac aux États-Unis, au détriment des vapoteurs. Si les lois européennes protègent mieux les citoyens, des problématiques similaires émergent et mobilisent les autorités sanitaires. Deux études américaines mettent en évidence que la composition des e-liquides nécessiterait d’être encadrée plus strictement.
Une lettre de recherche, publiée dans le Jama le 7 août, analyse la composition d’un échantillon non exhaustif de quelques e-liquides. Les auteurs ont découvert la présence de 6-méthylnicotine ou 6MN (jusqu’à 5 % pour l’un des liquides) et/ou de nicotinamide, qui sont des analogues synthétiques de la nicotine. Si le nicotinamide n’a pas d’activité connue au niveau des récepteurs nicotiniques, on ne peut en dire autant de la 6MN qui s’est avérée pharmacologiquement plus puissante et plus toxique que la nicotine chez les rongeurs.
Outre-Atlantique, ces analogues de nicotine ne sont pas taxés contrairement aux autres produits du tabac, mais surtout, ils ne sont pas inclus dans les réglementations de la FDA qui encadrent la quantité maximale de nicotine autorisée dans un produit du vapotage. De fait, nombre de flacons de recharge n’avaient pas leur réelle composition déclarée sur l’étiquette.
À ce jour en France, cet aspect du détournement des réglementations a été anticipé : « les mesures transposent la directive 2014/40/UE sur les produits du tabac. La définition 19 (Article 2) de cette même directive dispose que " ‘nicotine’ signifie les alcaloïdes nicotiniques". Ainsi, la 6MN, ou tout autre dérivé alcaloïde nicotinique, est effectivement de la "nicotine" au sens de la réglementation européenne et française », explique l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) au Quotidien. Ces produits restent soumis aux limites et obligations en vigueur, tous composés nicotiniques confondus. Mais le sujet reste entier aux États-Unis comme ailleurs en Europe quant à la qualification pharmacologique et toxicologique des analogues de nicotine.
Les sels de nicotine augmentent la dépendance
Une autre étude sur les e-cigarettes, publiée dans le Jama Network Open le 9 août, explore l’influence des additifs dans la délivrance de nicotine dans le sang et sur les comportements addictifs associés chez les jeunes adultes. Les participants ont mené jusqu’à neuf sessions de vape avec leur e-cigarette habituelle puis aléatoirement un des huit liquides préparés par les chercheurs contenant différentes formes de nicotine (libre ou en sels), concentrations nicotiniques (1 ou 5 %) et arômes (tabac ou menthol).
Comparés à la nicotine libre, les sels de nicotine ont engendré une plus forte consommation de nicotine au cours des sessions de vape. Après cinq minutes de vape standardisée (10 bouffées), les niveaux plasmatiques de la nicotine étaient 94 % plus hauts pour les sels que pour la forme libre, et 63 % plus élevés après trente minutes supplémentaires de vape ad libitum. L’effet a été particulièrement prononcé à 5 % de concentration nicotinique. Les fumeurs ont eu une impression plus positive de leur session de vape et ont tiré 25 % plus de fois sur la cigarette électronique.
Les chercheurs suggèrent que les formulations contenant des sels de nicotine, prévalentes sur le marché, augmenteraient la dépendance chez les jeunes adultes et requièrent des régulations. Les auteurs arguent que, même si de nombreux pays encadrent la concentration de nicotine dans les e-cigarettes, se concentrer sur cet aspect unique est une approche limitée. « L’utilisation de modificateurs d’acidité ou l’ajout de nicotine sous forme de sels facilite l’inhalation de nicotine. Au regard de l’essor des sels de nicotine dans les produits du vapotage, l’Anses constate que des travaux de recherche sont en cours et estime qu’ils devraient être complétés par une meilleure connaissance de l’état de dissociation de la nicotine dans les e-liquides du marché », lit-on dans le rapport d’expertise de mars 2022 de l’agence.
Le menthol dans les cigarettes et dans les vapes : même combat
En France, les cigarettes mentholées sont interdites depuis mai 2020 en raison de leur potentiel attractif pour les jeunes. Cela n’a pas empêché l’industrie du tabac de contourner la loi en commercialisant des billes mentholées individuelles à ajouter aux cigarettes classiques. Les additifs dans les produits de vapotage sont régulés de la même manière que pour les cigarettes à l’exception des arômes. Dans son rapport de 2022, l’Anses signale « la nécessité de peser la balance bénéfices-risques d’une éventuelle interdiction du menthol dans les produits du vapotage. Des études scientifiques, notamment sociologiques, sont nécessaires. »
L’étude américaine sur les additifs démontre en tout cas que l’attrait du menthol s’étend aussi aux e-cigarettes. Le menthol a été évalué bien plus positivement par les utilisateurs sur une échelle de 0 à 100 : 43,2 contre 31,5 pour l’arôme de tabac. Améliorant l’expérience de la vape, le menthol augmente le risque d’abus d’e-cigarette.
Les agences sanitaires françaises s’emparent du problème
Sur l’ensemble de ces sujets, « l'Anses s'est saisie début 2023 d'une expertise relative à l’évaluation des risques sanitaires liés à l’usage de produits connexes du tabac, notamment les produits du vapotage », déclare l’agence au Quotidien, qui s’appuie sur ses études antérieures et une revue de la littérature. « Les travaux sont en cours et leur publication est prévue en 2025. »
Le problème se pose d’ailleurs au-delà de la cigarette électronique : les sachets de nicotine ne sont pas seulement illégaux, « il n’est pas exclu que des analogues y soient utilisés » d’après l’Anses. Ces produits ont occasionné des intoxications et font l’objet d’une plainte du Comité national contre le tabac.
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