Le chlordécone, cet insecticide organochloré utilisé dans les bananeraies antillaises de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon, a entraîné une pollution durable et persistante, dont les conséquences ne sont pas encore toutes connues. De récents travaux parus dans la revue « Environmental Health » apportent de nouveaux éléments concernant ses effets délétères sur les capacités cognitives et sur le comportement de l'enfant.
Une équipe internationale, incluant des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique), a étudié 576 enfants âgés de 7 ans, issus de la cohorte mère-enfant Timoun, en Guadeloupe.
Des différences entre filles et garçons
Les concentrations de chlordécone ont été mesurées dans le sang du cordon et des enfants à l'âge de sept ans. Leurs capacités cognitives ont été évaluées à l'aide de l'échelle Wechsler Intelligence Scale for Children-IV (Wisc-IV), qui s'appuie sur quatre indices : compréhension verbale, vitesse de traitement de l’information, mémoire de travail et raisonnement perceptif. Quant aux troubles du comportement, ils ont été renseignés à partir de questionnaires remplis par la mère (Strengths and Difficulties Questionnaire, SDQ). Ces troubles étaient classés en deux catégories : les troubles internalisés (symptômes émotionnels, problèmes relationnels avec les pairs) et les troubles externalisés (problèmes de comportement social, d’hyperactivité et/ou d’inattention).
Concernant l'exposition in utero au chlordécone, un doublement de la concentration est associé à une augmentation de 3 % du score sur les troubles internalisés à sept ans, avec une association beaucoup plus forte chez les filles.
Et un doublement du niveau d'exposition postnatale est associé à une baisse des capacités intellectuelles à sept ans. De moins bons scores relatifs au raisonnement perceptif, à la mémoire de travail et à la compréhension verbale ont été retrouvés, en particulier chez les garçons.
De plus grandes difficultés comportementales sont aussi à noter, aussi bien chez les filles que les garçons, en cas d'exposition postnatale.
Un impact non négligeable au niveau de la population
« Nos résultats suggèrent que les capacités cognitives et les problèmes de comportement d'externalisation à l'âge scolaire sont altérés par l'exposition au chlordécone pendant l'enfance, mais pas in utero, et que l'exposition prénatale est liée à des problèmes de comportement d'internalisation plus importants », résument les auteurs. Et ce avec des effets parfois différents en nature et en intensité selon le sexe, est-il souligné dans un communiqué de l'Inserm.
« Cela est cohérent avec les propriétés œstrogéniques de ce pesticide et ses effets différentiels en fonction du sexe et de la période de développement du cerveau, précise Luc Multigner, directeur de recherche Inserm et co-auteur. Et si les effets neurologiques et neurocomportementaux constatés dans cette étude sont relativement modérés et subtils au niveau individuel, ils peuvent, compte tenu de l'exposition généralisée de la population antillaise au chlordécone, avoir un impact non négligeable au niveau de la population. »
Au vu de ces observations, les auteurs appellent à donc à poursuivre les efforts visant à réduire l'exposition au chlordécone des populations, en particulier pour les populations les plus vulnérables, comme les femmes enceintes et les enfants, mais aussi à documenter et suivre la prévalence et la prise en charge des enfants présentant des difficultés neurodéveloppementales ou comportementales.
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