Les lunettes anti-lumière bleue sont vendues contre un ensemble de promesses : réduire la fatigue oculaire des utilisateurs d'écrans, améliorer l'acuité visuelle lors de l'utilisation de ces derniers, voire améliorer la qualité du sommeil. Selon une revue Cochrane publiée récemment, ces allégations de santé ne sont pas soutenues par les données de la littérature.
La lumière bleue est la part du spectre visible dont les longueurs d'onde sont comprises entre 380 et 450 nanomètres. Physiologiquement, elle est nécessaire à la perception par la rétine des contrastes et des couleurs, aussi est-elle très employée par les écrans de smartphones et d'ordinateurs. On attribue toutefois à une forte exposition à ces longueurs d'onde des effets délétères sur la rétine, et un possible rôle accélérateur de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA).
17 essais randomisés
Les chercheurs de la revue Cochrane ont inclus 17 essais randomisés n'ayant recruté que des participants adultes. Des lentilles filtrant la lumière bleue ont été comparées à des lentilles classiques. Les principaux critères de comparaison sont le score de fatigue visuelle et le seuil critique de fusion du papillotement. Ce dernier est le seuil de fréquence au-delà duquel un signal lumineux clignotant est perçu comme un signal lumineux continu. Un seuil faible est associé à une forte fatigue oculaire et/ou une acuité visuelle dégradée.
Les chercheurs à l'origine des différentes études ont également mesuré le score d'acuité visuelle corrigée (BCVA), la sensibilité aux contrastes, l'impression d'inconfort, le pourcentage d'usagers chez qui une pathologie de la macula a été diagnostiquée, la fatigue en journée, le taux sérique de mélatonine et la qualité subjective du sommeil.
Des études à la qualité discutable
La première constatation des membres de la Cochrane est la qualité discutable des données disponibles. Les études sont en effet de petite taille, entre 5 et 156 participants, avec des durées de suivi très variables (de moins d'une journée à cinq semaines). Plus préoccupant : aucune des études retenues n'a un faible risque de biais selon les outils mis au point par la Cochrane. Par ailleurs, 65 % des études sont considérées comme étant à haut risque de biais méthodologiques liés au fait qu'elles ne sont pas faites en double aveugle. En outre, dans plus de la moitié des études (59 %), les auteurs n'ont pas anonymisé les participants et les médecins impliqués.
Une fois les données des études colligées, il n'y avait pas de différence en ce qui concerne le score de fatigue visuelle après une semaine de suivi dans les deux études qui ont pris ce critère en compte, totalisant 46 participants.
En ce qui concerne le seuil critique de fusion du papillotement, « il n'y avait presque pas de différence entre les utilisateurs de lunettes filtrant la lumière bleue et les utilisateurs de lunettes normales après un jour de suivi », indiquent les auteurs qui notent qu'une seule étude montre une moindre dégradation du seuil de fusion du papillotement. Enfin, l'effet des lunettes filtrant la lumière bleue sur la qualité du sommeil reste incertain, faute de données probantes, de même que celui sur la capacité à distinguer les contrastes, la sensibilité aux couleurs, les taux de mélatonine et la santé maculaire.
Trois études faisaient état d'effets indésirables plus fréquents avec des lunettes filtrantes (symptômes dépressifs, inconfort, maux de tête, trouble de l'humeur…) mais, sur ce point aussi, les chercheurs ne pouvaient pas conclure.
Une exposition faible, comparée à celle de la lumière du jour
« Cette revue systématique de la littérature montre que les lunettes filtrant la lumière bleue pourraient ne pas être en mesure d'atténuer les symptômes de fatigue oculaire concluent les auteurs de la Cochrane. En nous fondant sur les meilleures données disponibles, il n'y a probablement pas ou peu d'effets attribuables à la filtration de la lumière bleue sur la correction de l'acuité visuelle et les effets potentiels sur la qualité du sommeil restent à déterminer. »
Les auteurs estiment qu'une des explications à cette absence de résultat concluant réside, outre la qualité des études, dans le fait que l'exposition à la lumière bleue lors de l'utilisation d'un écran d'ordinateur est finalement relativement faible, comparée à celle liée à la lumière du jour.
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