Humiliations répétées, sexisme, pressions psychologiques, homophobes, racistes ou harcèlement…
Une cinquantaine de praticiens, étudiants et proches d'étudiants en médecine victimes de violences à l'hôpital ont échangé à l'occasion d'une soirée débat organisée mi-janvier par l'association Questionner autrement le soin, composée de médecins et de chercheurs.
Ces situations difficiles et répétées causent d'innombrables conséquences sur la santé des jeunes. Elles influent sur « la relation avec le patient, les choix professionnels, entraîne le rejet du métier et l'arrêt des études », assure le Dr Valérie Auslender. Dans son ouvrage « Omerta à l'hôpital », la généraliste recense 130 témoignages poignants, aux antipodes des valeurs de bienveillance et d'humanisme imaginées autour du milieu médical. « Il y a beaucoup de faits de dépersonnalisation : on n'utilise pas les prénoms des étudiants mais les mots "l'externe" ou "l'interne" […]. Certaines violences deviennent même un jeu », raconte-t-elle.
Ces mécanismes modifient de façon brutale tous les pans de la vie d'un individu. « L'agresseur fait culpabiliser la victime qui s'interroge quotidiennement sur ce qu'elle a fait », analyse le Dr Gilles Lazimi, généraliste et membre du Collectif féministe contre le viol et de SOS femmes 93.
La communauté médicale a été touchée par plusieurs suicides ces dernières années. À l'image de Laurent, un jeune assistant orthopédiste, originaire de Lille, qui exerçait au centre hospitalier de Castres et qui s'est donné la mort en juin 2018. « Il a réalisé une partie de son internat dans les DOM-TOM où les conditions de travail sont très difficiles. Lorsqu'il est rentré à Toulouse, l'hôpital lui a dit qu'il ne l'attendait pas. Tous les stages avaient été distribués. Il a été considéré comme un sous-interne. Il s'est retrouvé dans un stage que personne ne voulait. On l'appelait "blondinet". Il a fait une grande dépression, dépeint, bouleversée, la mère du médecin. Il a voulu se réorienter en chirurgie dentaire car il ne supportait plus l'ambiance mais ça n'a pas marché pour des raisons financières ». Le jeune homme cherche à se rapprocher de sa famille dans le Nord. « Il m'a dit que ça se passait mieux. Je croyais qu'il était sauvé. Il a passé un entretien pour un poste à Arras mais il était engagé pour plusieurs mois à Castres. Deux jours après, il s'est suicidé. »
Impunité
Depuis cinq ans, un mouvement émancipateur s'est enclenché. « Les blogs et les sites où se lisent et sont partagées les maltraitances subies se sont multipliés, constate Catherine Le Grand-Sébille, socio-anthropologue et vice-présidente de l'association organisatrice. Ils contribuent à élever le seuil de vigilance collective. » Le gouvernement a lancé en avril 2018 un plan de bataille sur la lutte contre la souffrance des étudiants en santé.
Néanmoins, plusieurs praticiens pointent du doigt l'inaction des établissements et l'impunité totale des agresseurs imputable au corporatisme du milieu. « C'est toujours la personne harcelée qui part et jamais le harceleur », fait remarquer le Pr Philippe Halimi, chef du service de radiologie de l'Hôpital européen Georges-Pompidou et président de l'association nationale Jean-Louis Mégnien.
Le Dr Lazimi se joint à sa parole : « L'agresseur cherche des alliés. On entend : "oh, mais il est tellement génial !", "il est drôle"; "c'est un bon médecin". Le silence, c'est s'allier aux agresseurs ». Cette réticence à parler, souvent lié à la peur des représailles et des risques encourus pour la suite de la carrière, est lourde de conséquences. « C'est un manque de secours qui pousse à la solitude », analyse Catherine Le Grand-Sébille.
Très peu de situations de harcèlement se terminent par une sanction. « Il y a une vraie difficulté à faire reconnaître les maltraitances devant la justice », conclut le Pr Halimi.
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