« Le cancer du sein touche des femmes de plus en plus jeunes, sans antécédents familiaux ni facteurs de risque classiques (tabac, alcool, surpoids, sédentarité) ; ce sont elles qui sont le plus concernées par la prévision à la hausse pour 2050 », pointe André Cicolella. Le président du Réseau environnement santé (RES) s’exprimait à l’occasion d’un colloque visant à évaluer l’impact des facteurs environnementaux dans la survenue du cancer du sein, organisé à l’occasion des 30 ans d’Octobre rose, avec le soutien de la Ville de Paris et en partenariat avec Alliance santé planétaire, à l’Académie du climat (Paris).
En juin 2024, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a publié les données mondiales du Global Cancer Observatory pour l’année 2022. La France figure parmi les pays les plus touchés, en particulier pour le cancer du sein, avec l’incidence la plus élevée, tous âges confondus. Le cancer du sein affecte aujourd’hui 12 709 femmes de moins de 50 ans (1 cas sur 5), dont 1 sur 14 décède. Les projections pour 2050 sont préoccupantes. « De 2022 à 2050 le nombre de cas annuels en France passerait de 65 700 à 75 400 et celui des décès de 14 700 à 20 100 », révèle la Dr Sabina Rinaldi (Circ, Lyon).
« Dans plus de 90 % des cas, il n’existe pas de mutations génétiques préexistantes mais des modifications épigénétiques portant sur l’expression des gènes, liées à l’action des facteurs environnementaux », développe le Pr Patrick Fénichel (CHU de Nice, université Côte d’Azur).
Les perturbateurs endocriniens, premiers coupables
En 2017, paraissait une synthèse des connexions entre cancer du sein et environnement. « La question des interactions entre facteurs de risque est centrale ; on ne peut plus réfléchir aux facteurs causaux du cancer autrement que par l’exposome qui intègre l’ensemble des expositions sur la vie entière. Cependant, il est possible d’agir sur des causes identifiées, notamment les 920 substances chimiques dont l’implication dans l’initiation ou le développement du cancer du sein a fait l’objet d’une publication récente par le Silent Spring Institut (États-Unis) », suggère André Cicolella.
En première ligne, les perturbateurs endocriniens (PE) que la Pr Ana Soto (faculté de médecine Tufts University, à Boston), connaît bien pour avoir signé, en 1991, avec 20 autres scientifiques, la déclaration de Wingspread, un évènement majeur actant ce concept. Après plus de 30 années de recherche où elle a notamment démontré chez la souris que l’exposition du fœtus femelle au bisphénol A (BPA) produisait obésité, baisse de la fertilité et de la fécondité et cancer de la glande mammaire, la biologiste Ana Soto insiste : « Il est grand temps de réaliser que nous disposons de suffisamment de preuves pour réglementer l’exposition aux perturbateurs endocriniens afin d’enrayer l’épidémie de cancer du sein. » En France, l’étude Peps’PE de Santé publique France classe les PE dans la catégorie « niveau de preuve suffisant » pour le lien avec le cancer du sein.
L’alimentation surveillée de près
Concernant les facteurs nutritionnels, le 3e rapport d’expertise du World Cancer Research Fund 2018 a évalué les niveaux de preuve pour les risques de premier cancer. Pour celui du sein, les niveaux les plus forts entre alimentation et risque de cancer après la ménopause montrent que les liens sont indirects, via la surcharge pondérale. Des liens solides ont été démontrés entre le risque de surcharge pondérale et la consommation d’aliments ultratransformés. La cohorte NutriNet-Santé a permis d’identifier des associations entre augmentation du risque de cancer du sein et certains marqueurs de l’ultratransformation, édulcorants et émulsifiants. « Il est encore trop tôt pour parler de lien causal ; le projet Additives investiguera ces liens entre additifs alimentaires et santé », nuance Elody Traullé du Réseau Nacre (Nutrition, activité physique, cancer recherche).
La pollution de l’air intérieur est de plus en plus explorée. « Une première campagne nationale a révélé la présence de polluants dans la majorité des logements avec des concentrations nettement plus élevées à l’intérieur qu’à l’extérieur alors que nous passons en moyenne 85 % de notre temps dans des environnements clos », explique Margaux Sanchez de l’observatoire de la qualité des environnements intérieurs (Anses). Les émissions intérieures de PE augmentent du fait des températures moyennes plus élevées.
En France, 40 % des nouveaux cas de cancers chez l’adulte, liés au mode de vie et à l’environnement, sont évitables, rappelle le Circ. Il est possible d’agir individuellement mais surtout collectivement sur les facteurs environnementaux identifiés, en les intégrant aux politiques préventives.
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