Alors que des traces de poliovirus ont été détectées dans des échantillons d’eaux usées de la bande de Gaza, faisant craindre une épidémie de poliomyélite paralytique dans le territoire enclavé, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé l’envoi de plus d’un million de vaccins. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 30 juillet, le patron de l’agence onusienne, Tedros Adhanom Ghebreyesus, indique que ces vaccins « seront administrés dans les prochaines semaines ».
Pour l’heure, aucun cas n’a été enregistré, mais « ce n’est qu’une question de temps avant que la poliomyélite n’atteigne les milliers d’enfants de Gaza, dépourvus de toute protection », s’inquiète-t-il. Les enfants de moins de 5 ans, mais surtout ceux de moins de 2 ans, sont les plus à risque, nombre d’entre eux n’ayant pas été vaccinés au cours des neuf mois de conflit.
Le 16 juillet, le réseau mondial de laboratoires de lutte contre la poliomyélite a isolé le poliovirus de type 2, dérivé d'une souche vaccinale (PVDVc2), dans six échantillons d'eaux usées à Deir al-Balah (centre de la bande de Gaza) et Khan Younès (sud). Cette détection est « un événement alarmant mais peu surprenant », écrit Tedros Adhanom Ghebreyesus.
« La présence d'un poliovirus dérivé d'un vaccin dans les eaux usées signifie très probablement qu'il existe quelque part chez les gens », a déclaré pour sa part Christian Lindmeier, porte-parole de l'OMS, lors de l’annonce de la détection. « Mais encore une fois, a-t-il poursuivi, environ 75 % des personnes infectées par la polio ne présentent aucun symptôme. Cela signifie que le virus est très probablement présent dans la population, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'il y ait une flambée de cas. »
À Gaza, une couverture vaccinale en chute
Ce PVDVc2 vient du vaccin oral vivant atténué contre le type 2, retiré mondialement du marché en 2016, mais encore utilisé dans des zones où des stocks subsistent. « Ce vaccin oral est excrété par les enfants vaccinés. Dans les zones où l’assainissement n’est pas opérationnel, cette souche vaccinale peut circuler et contaminer des non-vaccinés par contact. Dans une population avec de nombreux non vaccinés, le virus vaccinal peut muter et regagner en virulence. Des flambées sont régulièrement observées », explique au Quotidien le Dr Michel Zaffran, ancien directeur du programme de l’OMS pour l'éradication de la poliomyélite.
À Gaza, la couverture vaccinale est passée de 99 % avant le conflit à 86 % actuellement, un « niveau dangereux car il existe des poches de population où les enfants ne sont pas vaccinés, et où le virus peut circuler », souligne le patron de l’OMS dans Le Monde. L’objectif de l’agence onusienne est ainsi de rattraper le retard dans la vaccination pour éviter l’émergence de cas de poliomyélite paralytique. La campagne s’appuiera sur un nouveau vaccin oral contre le type 2, « beaucoup plus stable », assure le Dr Zaffran. « Il est régulièrement utilisé par l’OMS pour faire face aux flambées que connaissent les pays où sévissent des conflits et où les populations sont peu ou mal vaccinées, comme au Yémen, au Soudan, en Éthiopie ou en RDC », ajoute-t-il.
Pour garantir le succès de cette campagne vaccinale, Tedros Adhanom Ghebreyesus appelle à un « cessez-le-feu immédiat » et à une « accélération considérable de l’aide humanitaire ». « Sans un cessez-le-feu et un accès sûr, […] les vaccins resteraient bloqués comme beaucoup d’autres camions de l’autre côté de la frontière, soit du côté de Rafah, soit à d’autres points de contrôle à l’intérieur ou juste à l’extérieur de Gaza », met en garde Christian Lindmeier.
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