LE QUOTIDIEN : Quelle est l’ampleur du recours à des pratiques non conventionnelles de soins par les patients atteints de cancer ?
Pr CLAUDE LINASSIER : C’est difficile à quantifier, principalement parce que les patients en informent rarement leur praticien. En cancérologie, mais aussi en médecine générale, les professionnels s’aperçoivent souvent d’une pratique quand il y a une dérive et un renoncement aux soins. Mais le recours aux médecines alternatives ne signifie pas une entrée systématique dans une dérive sectaire.
Pour mieux appréhender le phénomène, l’Institut national du cancer (Inca) va mener une enquête auprès des généralistes afin d’évaluer les conséquences de certaines pratiques en termes de pertes de chance, de refus des dépistages ou des vaccins, de refus de soins… Les résultats sont attendus au plus tard en 2025.
Comment évaluer ces pratiques, dont certaines sont proposées par les centres de cancérologie ?
Ce qui est proposé relève des soins oncologiques de support et vise à améliorer la qualité de vie des patients par un accompagnement psychologique, une prise en charge de la douleur, un soulagement des effets indésirables des traitements, etc. Certaines pratiques apportent aux patients un bénéfice quantifiable. Quand il est scientifiquement démontré, ces soins intègrent un panier de soins validé par l’Inca. Un guide de l’Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos) recense aussi les pratiques au bénéfice prouvé.
L’évaluation s’appuie sur la littérature. Pour l’activité physique adaptée, ce n’est que récemment que des études ont démontré un bénéfice. Elle a été ajoutée au « panier » depuis un peu plus d’un an. Le processus est évolutif, avec des mises à jour régulières. L’Inca se penche actuellement sur la socio-esthétique, la méditation de pleine conscience et la sophrologie.
Le défi est aussi de distinguer ce qui est préjudiciable. Des pratiques en apparence anodines peuvent comporter des risques. La phytothérapie, par exemple, peut amener à consommer des produits toxiques ou qui interagissent avec les médicaments, comme le millepertuis. D’autres pratiques, comme les régimes alimentaires qui prétendent « asphyxier » les tumeurs, sont dangereux.
Comment prévenir l’adhésion à des pratiques préjudiciables ?
Des messages sont à distiller. La consultation d’annonce de la maladie informe d’abord sur les options thérapeutiques, mais elle peut aussi être mise à profit pour un temps d’information et d’orientation vers des soins de support efficaces.
Les patients peuvent s’informer : le guide Cancer info de l’Inca alerte sur les « traitements miracles » ; la rubrique « Les éclairages » du site e-cancer.fr déconstruit les fausses informations. Les associations sont un relais important, tout comme la pair-aidance.
Les oncologues et les généralistes doivent être attentifs aux comportements suspects et ne pas hésiter à en parler, sans être frontal ni briser le lien avec le patient. La communication entre professionnels facilite l’identification des premiers signes d’adhésion à une croyance.
L’Inca réalise une veille des réseaux sociaux pour identifier les pratiques délétères pour la santé. L’Institut envisage d’adopter un statut de « signaleur de confiance ». C’est un chantier d’ampleur et de longue haleine. Dire que certains messages sont faux ne suffit pas. Il faut proposer des informations structurées, étayées par la science et essayer de convaincre avec des arguments rationnels.
Pr Claude Linassier (Institut national du cancer) : « Le défi est de distinguer ce qui est préjudiciable » dans les pratiques non conventionnelles
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