Deux requêtes ont été enregistrées au tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) afin d'obtenir une indemnisation pour des femmes victimes d’effets indésirables graves de l'Androcur, un progestatif qui augmente fortement le risque de méningiomes, selon le récépissé consulté ce 29 mars par l'AFP.
Déposées le 7 mars, ces requêtes « visent à faire reconnaître la faute de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), donc de l'État, dans ce scandale de santé publique majeure » et obtenir « une indemnisation respectivement de 748 777 euros et 361 515 euros », a déclaré à l'AFP Charles Joseph-Oudin, avocat de la partie requérante, confirmant une information du quotidien Le Monde.
Cinquante expertises ordonnées
« Trois autres requêtes seront déposées d'ici à la fin de la semaine prochaine » et d'autres suivront, a-t-il ajouté, précisant que son cabinet avait entre les mains 450 dossiers concernant des femmes qui ont consommé de l'Androcur (acétate de cyprotérone) et d'autres progestatifs, Lutéran (acétate de chlormadinone) et Lutényl (acétate de nomégestrol).
« Cinquante expertises judiciaires individuelles ont déjà été ordonnées » et « les vingt expertises terminées retiennent toutes le lien de causalité entre ces méningiomes et la prise des médicaments », affirme l'avocat.
Ces expertises pointent « surtout, un défaut d'information » sur les risques connus du médicament, défaut dont « la responsabilité première est celle de l'État (ANSM) en concours avec la responsabilité des laboratoires », souligne-t-il.
Un risque identifié en 2011
Contactée par l'AFP, l'ANSM ne commente pas la procédure en cours. L’acétate de cyprotérone fait l’objet d’une surveillance particulière depuis 2009 et le risque de méningiome est identifié depuis 2011. Afin de mieux mesurer le risque de l’Androcur, l’ANSM a mené conjointement avec l’Assurance-maladie une première étude épidémiologique EPI-Phare qui a mis en évidence en 2018 « un risque multiplié par sept pour les femmes traitées par de fortes doses sur une période de plus de 6 mois, et par 20 après 5 années de traitement ». L’agence sanitaire a alors mis en place un comité d’experts indépendants chargé d’établir des recommandations et le suivi (IRM) pour les personnes traitées.
D’autres enquêtes EPI-Phare (ANSM/Cnam) suivront en 2021 pour le Lutényl et le Lutéran mais aussi en 2023 pour trois autres substances, Surgestone (promégestone), Colprone (médrogestone) et Depo Provera (acétate de médroxyprogestérone). Des mises à jour des recommandtions ont été émises, la dernière datant de décembre 2023.
Les prescriptions ont reculé de 90 % depuis 2018
Me Joseph-Oudin et l'association Amavea, qui regroupe 900 patientes atteintes de méningiomes après la prise de progestatifs, cherchent à discuter avec le ministère de la Santé pour que soit mis en place « un dispositif d'indemnisation comme cela a été fait pour le Médiator et la Dépakine », deux scandales sanitaires ayant entraîné des indemnisations.
L’Androcur est théoriquement indiqué contre une pilosité excessive, mais il a été prescrit pendant des décennies par de nombreux médecins bien au-delà de ce périmètre - par exemple contre l'endométriose. Son lien avec les méningiomes a été clairement établi en 2018. Ces tumeurs cérébrales non malignes du cerveau peuvent provoquer de graves handicaps neurologiques.
Les prescriptions d'Androcur ont reculé de près de 90 % entre janvier 2018 et décembre 2023, selon l'ANSM. Fin novembre 2023, moins de 10 000 patientes étaient traitées par Androcur contre environ 90 000 fin 2017.
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