Ces douze derniers mois, nos autorités sanitaires et le gouvernement ont été souvent critiqués pour leur laxisme en matière de lutte contre la consommation d’alcool. Les actions proposées par le Plan national “priorité prévention” présenté il y a un an n’avaient pas convaincu les experts. Ils ont été encore plus déçus par les mesures du Plan addictions 2018-2022, divulgué dans la plus grande discrétion en janvier dernier. Est-ce pour cette raison que Santé publique France monte au créneau, affirmant haut et fort vouloir « s’engager dans une stratégie de réduction des risques » ?
L’effet protecteur de l’alcool ne tient plus !
Une des actions proposées est une campagne d’information pour sensibiliser le grand public aux dangers des consommations d’alcool même à faible dose. Car le sujet est là ! Aujourd’hui, le message délivré par Santé publique France est clair : « Les risques pour la santé d’une consommation d’alcool existent dès le premier verre quotidien. » Cette consigne s’appuie sur les données délivrées par le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) qui consacre un numéro spécial sur ce sujet. Dans l’éditorial du BEH, François Bourdillon, directeur général de Santé publique France, indique combien un article de 2018 du Lancet a marqué les esprits : « Les minimes et très sélectifs effets protecteurs de l’alcool sont réduits à néant par ses effets délétères. » « Less is better, none is best », résumait d’ailleurs l’un des auteurs de cet article.
Au final, Santé publique France et l’Institut national du cancer ont conduit un travail d’expertise les amenant à fixer de nouveaux repères de consommation : pas plus de 10 verres d’alcool par semaine, maximum deux par jour avec zéro verre certains jours de la semaine. Ce qui se résume par : « Pour votre santé, maximum deux verres par jour, et pas tous les jours. » Christophe Bonaldi, biostatisticien à Santé publique France, explique que « ces repères de consommation proviennent d’études permettant d’établir des relations dose/réponse entre un volume d’alcool consommé et un risque relatif. Sur certaines pathologies, en particulier les cancers, le risque augmente dès la consommation d’un verre d’alcool par jour ». Pour le Pr Michel Reynaud, psychiatre addictologue et animateur du site "addictAide", « les repères énoncés par cette agence sont logiques au regard de la science. On peut les qualifier de prudents. On sait depuis longtemps qu’une consommation d’alcool régulière même peu importante comporte de faibles risques. L’augmentation de ces risques se fait de manière exponentielle. Il y a de réels dangers pour sa propre santé, mais aussi pour celle des autres (accidents de voitures, violences…) au-delà de 30 verres par semaine, ce qui concerne environ 20 % de la population. » Pour le BEH, 41 000 décès sont attribuables à l’alcool.
Une stratégie qui oublie l’essentiel
Une autre action proposée par Santé publique France est de sensibiliser les professionnels de santé à repérer les consommations d’alcool problématiques. Pour aider ces premiers acteurs de prévention – soyons clairs, il s’agit principalement des généralistes, à qui un espace spécifique est réservé sur le site pro.alcool-info-service.fr.
Même si la volonté semble clairement énoncée par Santé publique France de lutter contre la consommation excessive d’alcool, on est en droit de s’interroger sur la pertinence des dispositions proposées et de cette “stratégie” qui semble oublier l’essentiel en matière d’efficacité, comme augmenter le prix minimum de l’alcool et des prémix, limiter les opérations marketing et la publicité. Mais ces décisions-là sont du ressort du gouvernement, qui a du mal à arbitrer en faveur de la santé publique ! Dommage, car dans la lutte contre le tabagisme, la réussite est au rendez-vous.
Une consommation très hétérogène
Certes, depuis une cinquantaine d’années, la consommation a fortement diminué, passant en moyenne de 26 litres d’alcool pur par habitant âgé de plus de 15 ans à 11,7 litres par an en 2017. Mais fait inquiétant, la courbe stagne depuis quelques années. Le Baromètre santé 2017 et l’enquête nationale ESCAPAD montrent combien la consommation est hétérogène selon l’âge et le sexe. Le phénomène bien connu de binge drinking (alcoolisation ponctuelle importante – API) est courant chez les jeunes de 17 ans, 44 % d’entre eux déclarant une API au cours du mois. À l’inverse, une consommation quotidienne existe surtout chez 26 % des 65-75 ans, contre 2,3 % des jeunes. Chez les plus âgés, cette habitude de boire quotidiennement concerne une femme pour trois hommes.
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