Des pénuries significatives de dispositifs médicaux mais aussi de nombreux médicaments dans les prochains mois ? C’est en tout cas ce que redoute l’Académie nationale de Pharmacie qui met en garde dans un communiqué diffusé ce 19 mai.
Certes, en matière d’approvisionnement en produits de santé, les ruptures et tensions ne sont pas nouvelles. Et l’année dernière, le phénomène s’était même plutôt atténué. Cependant, pour l’Académie, « l’infléchissement de la courbe des signalements de ruptures/tensions d’approvisionnement constaté en 2021 par l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) et la diminution des ruptures d’approvisionnement en pharmacie risquent de ne pas durer ». De fait, la société savante s’attend à « une reprise de leur augmentation » qui pourrait se faire sentir dès « les prochains mois ».
La production de matière première impactée par les crises internationales
En cause : « des pénuries en matériaux et réactifs nécessaires aux activités de production pharmaceutique », qui s’accumulent depuis 2020 et « impactent les marchés au niveau international ». Une situation due à l’effet conjugué de plusieurs crises internationales sur la production de matières premières.
À commencer par la pandémie de Covid-19, à l’origine d’arrêts de production qui se poursuivent en Chine et d’un détournement de l’industrie pharmaceutique au bénéfice des vaccins – « avec en corollaire, une diminution voire un arrêt de production d’autres types de médicaments considérés comme moins prioritaires », note l’Académie. À ces difficultés s’ajoutent celles provoquées par la guerre en Ukraine – grand exportateur notamment d’acier, à la base de divers produits de santé mais aussi du matériel de nombreuses unités de production.
Au-delà de leur production, l’acheminement des matières premières vers les sites de fabrication de produits de santé est également perturbé. Et ce, dans un contexte de « déstabilisation des activités internationales de transport et de fret, aérien comme maritime », déplore l’Académie de Pharmacie.
Une augmentation de la demande sur certains matériaux
En outre, une augmentation de la demande de certains matériaux prive également les industries de santé de ces matières premières. À l’instar du carton, de plus en plus utilisé pour l’emballage du fait d’une « explosion générale des ventes en ligne des biens de consommation et du remplacement écologique des matériaux plastiques par la cellulose ». « L’industrie pharmaceutique et l’industrie du dispositif médical sont des "marchés" trop petits pour être considérés comme prioritaires par les principaux fournisseurs face aux autres industries consommatrices de ces mêmes matériaux », expliquent par ailleurs les pharmaciens.
Enfin, la récente hausse du prix de l’énergie et ainsi des coûts de production menace la poursuite de la production et de la commercialisation de nombreux médicaments. « Des entreprises envisagent déjà l’arrêt de fabrication et de commercialisation de certaines de leurs spécialités », révèle la société savante.
Des conséquences sur des produits de santé très divers
Ainsi, des produits de santé très divers pourraient faire l’objet de pénuries. À l’instar des « aiguilles nécessaires à l’injection des médicaments (seringues - stylos injecteurs de médicaments) », dont la production apparaît directement impactée par la pénurie d’acier. De nombreux médicaments pourraient par ailleurs venir à manquer, faute de matière première nécessaire à leur conditionnement. En effet, Au-delà des tensions sur le carton, « la pénurie d’aluminium menace l’approvisionnement des médicaments administrés par voie orale majoritairement conditionnés en blister renforcé d’aluminium (PVC ou PVDC/Alu), voire en blister tout aluminium (Alu/Alu) », indique l’Académie. De même, la pénurie de verre « présente déjà un risque » notamment pour la disponibilité des médicaments injectables conditionnés en ampoules ou flacons.
À noter qu’à l’hôpital, certains dispositifs médicaux « "anciens" mais toujours utiles, notamment pour les interventions chirurgicales ou interventionnelles », viendraient déjà à manquer. Cette fois, la pénurie – contre laquelle diverses instances avaient déjà alerté – est imputable à un changement réglementaire prévu de longue date : l’entrée en application en mai 2021 du nouveau Règlement européen (dit MDR) des dispositifs médicaux, publié en 2017.
L'Académie pour une instance dédiée
En conclusion, devant toutes ces menaces de ruptures d’approvisionnement, l’Académie de Pharmacie formule une recommandation organisationnelle : la création d’une instance administrative, interministérielle chargée, au côté de l’ANSM, de « coordonner effectivement la surveillance, la gestion et la coordination relatives à la disponibilité ou la pénurie en matériaux indispensables à la production des produits de santé (médicament et dispositifs médicaux) ».
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