Cinq jours après la révision par la HAS des indications du vaccin AstraZeneca (à réserver désormais aux 55 ans et plus, un lien entre vaccination et rares cas de CIVD ou de thrombophlébites cérébrales survenus chez des jeunes n’ayant encore pu être définitivement exclu), l'Académie de médecine monte au créneau. Dans un communiqué publié ce jeudi, les académiciens dénoncent une « volte-face » contre-productive, « uniquement justifiable par [un] principe de précaution » et génératrice d’une « indésirable confusion ».
Un risque de perturbation de la campagne de vaccination
En fait, ce que les académiciens redoutent en premier lieu, c’est que cette suspension de la vaccination chez les jeunes ne « perturbe gravement la progression de la campagne nationale de vaccination ». Et ce malgré la position rassurante de la HAS, qui, lors de sa conférence de presse de vendredi dernier, assurait que cette révision d’indications ne porterait pas préjudice au bon déroulement de la campagne – peu d’individus de moins de 55 ans comptant pour le moment parmi les publics ciblés et d’autres vaccins apparaissant disponibles en centre de vaccination pour les jeunes soignants et sujets vulnérables. De fait, cette décision a déjà conduit les centres de vaccination, pharmaciens et surtout généralistes « à annuler des convocations, à modifier les plans de rendez-vous et à jeter des doses de vaccin inutilisées, accroissant le regrettable taux de gaspillage », estime de son côté l’Académie.
Par ailleurs, le Pr Yves Buisson, Président de la cellule covid-19 de l’Académie de Médecine, déplore une erreur de timing. D’après lui, la campagne de vaccination serait passée à une nouvelle étape : celle de la vaccination de masse, qui ne vise plus seulement à réduire la morbidité et la mortalité, mais à stopper la circulation du virus – principalement véhiculé, rappelle-t-il, par les jeunes – par l’installation d’une couverture vaccinale suffisante, « de 70 % chez les adultes », précise-t-il. Dans ce contexte et alors que l’épidémie reprend, il faut, d’après lui, « se montrer pragmatique, aller au plus urgent, utiliser toutes les doses – sans en perdre – le plus vite possible, cesser de décourager les généralistes et ne pas décevoir le public ».
Défiance vis-à-vis des autorités sanitaires
Car ce que semble également craindre l’Académie de Médecine, c’est que cette révision d’indication, qui fait suite à une suspension temporaire pure et simple de l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca, ne suscite « une défiance du public envers les différents vaccins contre le covid-19 mis sur le marché ».
Alors que la HAS déclare « assumer » le caractère provisoire de ses avis, pris dans des situations toujours évolutives et inédites, l’Académie semble, entre les lignes de son communiqué, s’inquiéter, précisément, de ces inversions de recommandations. « Cet avis, rapidement relayé par la Direction générale de la santé, va à l’encontre de la recommandation émise le 2 février par la même HAS, qui enjoignait d’utiliser préférentiellement le vaccin COVID-19 AstraZeneca® chez les personnes de moins de 65 ans [faute de données dans cette population] », souligne l’Académie.
En outre, cette suspension d’indication induirait « le doute sur les homologations délivrées par l’EMA ». Si l’EMA n’exclut pas formellement un potentiel lien entre le vaccin et de rares cas de CIVD et de thrombophlébites cérébrales qui ont été signalés en Europe, elle considère en effet toujours le vaccin « sûr », sans risque accru de formation de thromboses classiques, et associé à un rapport bénéfice risque très favorable. « Elle n’en demandait ainsi pas tant » de la part de la France, présume le Pr Buisson, pour qui la HAS serait allée trop loin avec la révision d’indication. Et ce bien « qu’elle soit tout à fait dans son droit » et que cette décision relève bien de ses prérogatives, admet-il. « Nous estimons, puisque nous sommes européens, qu’il faut suivre les recommandations de l’EMA, qui compte des spécialistes très compétents, indépendants, dont certains français ».
Mais au fond, la question que pose aussi l’Académie de Médecine, c’est de savoir si l'on peut considérer qu'un risque individuel - même très faible - potentiellement associé, chez les jeunes, à l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca l’emporte sur les bénéfices collectifs de la vaccination. À ce titre, le Pr Buisson invite à se souvenir du vaccin antivariolique, certes associé à des accidents fréquents, mais sans lequel la maladie n’aurait pas été éradiquée.
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