Une thérapie par CAR-T cells efficace chez 15 patients atteints d’une maladie auto-immune

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Publié le 28/02/2024
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Crédit photo : NIH-VOISIN/PHANIE

Une équipe allemande publie dans le New England Journal of Medicine une série de cas de maladies auto-immunes traitées avec succès par CAR-T cells anti-CD19.

Si les thérapies par CAR-T cells ont fait leurs preuves en oncologie et en onco-hématologie, la rhumatologie s’y intéresse depuis quelques années comme traitement de maladies auto-immunes (MAI). Aujourd’hui, la stratégie thérapeutique dans les MAI rhumatologiques repose sur des traitements immunosuppresseurs qui contrebalancent la suractivation du système immunitaire et permettent de contrôler l’activité de la maladie. Mais de nombreux patients échappent aux traitements conventionnels et de fond, aussi la piste des CAR-T cells constitue-t-elle une alternative intéressante. « Cela paraît intéressant dans les maladies auto-immunes de détruire les lymphocytes B », explique le Pr Christophe Richez, rhumatologue au CHU de Bordeaux, pour la Société française de rhumatologie. De plus, ce type de thérapie permettrait une rémission sur le long terme et sans traitement médicamenteux.

L’équipe allemande qui publie cette nouvelle série de cas mène des travaux depuis plusieurs années sur cette thérapie dans les MAI rhumatologiques, notamment dans le lupus érythémateux systémique (SLE) ou la sclérodermie systémique (SS), avec des résultats très prometteurs. Dans cette étude, ils ont traité par CAR-T cells anti-CD19 (les CD19 étant les antigènes de surface des lymphocytes B) huit patients avec une SLE, trois avec une myosite idiopathique (MI) et quatre avec une SS, et ont pu observer une efficacité, une sécurité et une faisabilité du traitement chez tous les patients.

Des réactions variables selon les traitements antérieurs

L’objectif était de suivre l’efficacité sur deux ans (suivi médian de 15 mois entre 2021 et 2023) après une unique perfusion de CAR-T cells anti-CD19. Les 15 patients inclus devaient avoir un diagnostic de SLE, MI ou SS, avec une pathologie qualifiée de sévère et progressive, et une résistance à au moins deux traitements immunomodulateurs. Le schéma de traitement comprenait des CAR-T expérimentales (MB-CART19.1) avec des lymphocytes T autologues enrichis en CD4 et CD8 et une chimiothérapie de déplétion lymphocytaire à base de fludarabine et de cyclophosphamide (elle permet la réduction des globules blancs afin de laisser la place aux CAR-T). Tous les patients ont arrêté leur traitement immunosuppresseur.

Après perfusion, le nombre de CAR-T cells s’est rapidement propagé avec un pic moyen à 8,6±0,8 jours pour 146 CAR-T cells/µl en médiane. Les cellules B CD19 + ont été rapidement éliminées de la circulation après 5,9±2,2 jours. Pour 14 patients, la repopulation lymphocytaire B a eu lieu en moyenne au bout de 112±47 jours, et pour le dernier patient (patient SS suivi durant 128 jours), la repopulation n’a pas eu lieu. Les patients exposés avant la perfusion à des anticorps de déplétion des cellules B avaient un nombre plus bas de cellules B à l’inclusion ainsi qu’une aplasie en cellules B plus longue que les autres. Les patients exposés au rituximab avant ont présenté un pic de propagation plus faible que les autres et une présence des CAR-T cells dans le sang plus courte.

Rémission pour les patients SLE et MI

Pour chaque pathologie, des scores différents de rémission et d’activité de la maladie ont été utilisés. Ainsi, tous les patients SLE ont présenté une rémission à six mois, et tous les patients MI ont présenté une réponse clinique majeure, ayant abouti à une résolution des symptômes, et une normalisation de leur niveau de créatine kinase à trois mois. Quant aux patients SS, tous ont présenté une diminution de l’activité de leur maladie. À l’issue des deux ans de suivi, « les 15 patients ont réussi à arrêter les glucocorticoïdes et tous les autres médicaments immunosuppresseurs », précise l’étude.

Enfin, les patients avaient été suivis durant les dix premiers jours après la perfusion pour surveiller l’apparition éventuelle d’un syndrome de relargage des cytokines (SRC) ou d’un syndrome de neurotoxicité associée au traitement par cellules CAR-T (ICANS). Un SRC de grade I est apparu chez dix patients et un SRC de grade II chez un patient, un ICANS de grade 1 chez un patient et une pneumonie nécessitant une hospitalisation chez un patient. Pour rappel, le SRC est l’un des effets indésirables majeurs des CAR-T cells qui touche 54 à 91 % des patients dans les hémopathies malignes (en réponse à l'activation des CAR-T cells après reconnaissance de l'antigène tumoral).

Alors que l’un des freins au recours aux CAR-T cells est actuellement leur coût, ces résultats laissent penser « qu'une seule injection de cellules CAR-T anti-CD19 peut conduire à une rémission de longue durée », concluent les auteurs. De plus, « d’autres types de CAR-T pourraient entrer en jeu, comme les CAR-Treg ou les CAAR-T », ajoute le Pr Christophe Richez.


Source : lequotidiendumedecin.fr