Article 56 (article R.4127-56 du code de la santé publique) : « les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. Un médecin qui a un différend avec un confrère doit rechercher une conciliation, au besoin par l'intermédiaire du conseil départemental de l'ordre. (…) »
La pandémie qui nous frappe depuis bientôt deux années a mis en lumière plusieurs de nos confrères. Certains, taxés d’alarmistes (et je m’inclus sans peine dans ce lot), se sont attelés à tenter une vulgarisation scientifique, quitte à exposer des messages ou des informations allant à contre-courant de ce que l’opinion publique avait envie d’entendre. Dans cette société où une information en chasse une autre, elle voulait que soit dit que nous en avions fini avec ce virus, qu’il ne touchait que « les vieux » qui allaient « de toute façon mourir » et que notre mode de vie individualiste et axé sur l’autosatisfaction avant le bien de la communauté allait pouvoir reprendre son cours normal.
Force est de constater que ce n’est pas le cas, que nous n’en avons pas fini, et bien malin serait celui qui pourrait affirmer haut et fort la fin de cet épisode pandémique aux multiples rebondissements. Certains s’y sont essayés en début de pandémie, en le regrettant après coup. D’autres, sans doute par besoin d’être le centre de l’attention, de briller sous les feux télévisuels ou tout simplement d’entretenir voire d’agrandir un ego déjà démesuré, ont investi les médias de tous bords pour y asséner des informations biaisées, voire des contre-vérités scientifiques, usant et abusant parfois de leur titre universitaire comme argument d’autorité d’une élite autoproclamée.
Certains confrères se sont insurgés contre ces messages de nature à faire naître dans l’esprit de nos compatriotes le doute sur l’efficacité du vaccin ou de la prétendue efficacité (pourtant jamais démontrée) de traitements dits précoces. Ces confrères ont au mieux été dénigrés, au pire accusés de non confraternité et traînés devant les juridictions ad hoc pour non-respect de l’article 56 du code de déontologie médicale.
Ce même article qui a fait condamner et recevoir un blâme certains confrères en première instance pour avoir dit que les traitements homéopathiques n’avaient jamais fait preuve de leur efficacité scientifique. Que penser, dans ce cas, du niveau de la sanction, comparée à celle, identique, infligée par cette même juridiction à un éminent Professeur pour avoir promu un traitement inefficace voire, comme cela est mis en avant dans certains pays comme le Brésil, délétère et potentiellement responsable d’un nombre de décès non négligeable.
C’est dire si la confraternité et le devoir imposé aux médecins français de la respecter, est une disposition problématique dans sa forme actuelle. Elle peut favoriser l’impression d’un entre soi pour le grand public, où les médecins auraient obligation de se taire les uns les autres dans le but de protéger une caste. Elle peut aussi empêcher la prise de parole de certains confrères, tant subir et supporter le poids d’une procédure peut décourager de s’affirmer contre les contre-vérités brandies par ces confrères.
Il faut malheureusement se rendre à l’évidence, le monde médiatique actuel a besoin de « bons clients », et dans le cas précis de cette pandémie, de confrères disponibles et mobilisables facilement, capables de porter des messages parfois à contre-courant des faits scientifiques, dans l’unique but de créer un buzz médiatique, selon la formule consacrée.
Tout irait presque bien si la discussion restait entre confrères. Chaque médecin est capable de faire la part des choses dans les informations qu’il reçoit et a, en principe, été formé à avoir un esprit scientifique lui permettant de repérer les biais ou mauvais raisonnements scientifiques.
Mais n’oublions pas que ces mêmes messages sont également, voire surtout, transmis à des concitoyens n’ayant pas forcément la formation scientifique leur permettant de dépister les arguments fallacieux. Ces messages sont alors perçus comme émanant de l’autorité scientifique. Qui plus est, estampillés du sceau « vu à la télé », gage biaisé provoquant la confiance.
Le devoir de confraternité se heurte trop souvent au principe de réalité qui nécessite d’admettre l'existence d'une réalité, insatisfaisante ou non conforme à son idéalisation. Encore un enseignement obtenu par cette pandémie. Mais au prix de combien de vies perdues ?
Exergue : Le monde médiatique actuel a besoin de « bons clients », et dans le cas de cette pandémie, de confrères disponibles et mobilisables facilement
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