Peut-on faire mieux avec (beaucoup) moins d'argent ? L'innovation inversée ou « frugale » en santé était au cœur des débats début juin à Paris : médecins, sociologues, ingénieurs et scientifiques se sont retrouvés à l'Unesco pour faire découvrir des réalisations en provenance des économies émergentes et étudier dans quelle mesure certaines idées peuvent être utilisées dans les systèmes de santé les plus développés.
« En France, l'innovation en santé est incrémentale, on fait mieux avec quelque chose qui existe déjà alors que les économies émergentes créent des solutions disruptives », résume Jean-Michel Dru, président de la Fondation de l'Académie de médecine (FAM) et organisateur des rencontres.
Coûts réduits, pas de marketing
Au Népal, le Dr Sanduk Ruit dirige un institut d'ophtalmologie à Katmandou. Ce praticien a créé un protocole chirurgical de micro-incision sans suture et se déplace dans des régions reculées pour opérer les Népalais atteints de cataracte. Le chirurgien l'assure : la chirurgie est « de très bonne qualité » et « durable ». Mais ce qui retient l'attention c'est le coût. Le prix de l'implant intraoculaire est 3,40 euros. Imbattable ! Pour y parvenir, l'institut Népalais a choisi de fabriquer lui-même les implants. « Nous avons gagné de l'argent sur le marketing et la communication », glisse le Dr Ruit. Pour amortir les autres coûts, les médecins ont standardisé au maximum leur geste opératoire et le choix du matériel a été crucial. 5 000 personnes par an bénéficient d'une opération de la cataracte dans le cadre de l'Himalayan Cataract Project. Le modèle a été exporté en Asie.
En Inde, même réussite dans l'optimisation des coûts. Le Pr Mahesh Misra, directeur des activités chirurgicales à l'hôpital de Jaipur, a mis sur pied « Jaipur Foot », une ONG qui distribue aux personnes amputées des prothèses de pied, de genou ou de jambe (à très bas coût) ainsi qu'une rééducation. Quelque 1,71 million d'Indiens ont bénéficié de ce dispositif. « La performance de la prothèse du pied est proche du pied naturel selon plusieurs études scientifiques », assure le Pr Mahesh Misra. Le coût d'une prothèse complète est de 55 euros contre 12 800 euros en moyenne dans les pays développés (hors rééducation). Comme dans l'exemple népalais, l'ONG s'est affranchie des frais liés au marketing et service annexes.
Low-cost et qualité
Même si cette performance médico-économique incite à la réflexion, ces innovations frugales sont peu transposables en l'état. En France, le « très low-cost » reste mal perçu et la réglementation autour des produits de santé impose le respect de normes strictes. « Le seuil d'acceptabilité, c'est la qualité, souligne Jean-Claude Ameisen, président d'honneur du comité consultatif national d'éthique. Les Français ont toujours peur d'une médecine au rabais ». D'autant que « la chirurgie de la cataracte est déjà très accessible en France, ajoute l'urgentiste Gérald Kierzek. Le modèle Népalais ne peut marcher chez nous ».
Pour les experts en revanche, les pays développés doivent se montrer attentifs aux initiatives des pays émergents en matière d'innovation technologique ou organisationnelle. Exemple : né au Rwanda, le concept des « accompagnateurs » (des auxiliaires de santé communautaires issus du même cadre de vie que les patients, recrutés, formés et rémunérés pour des actions de santé publique) a été implanté aux États-Unis pour favoriser l'accès aux soins dans certains quartiers démunis…
La révolution de la santé connectée est un autre exemple. Le rappel automatisé du calendrier vaccinal sur portable instauré en Côte d'Ivoire semble être une bonne idée. « À partir du moment où il n'y a pas de dispositif public existant, les innovations frugales ont toutes leur place si elles répondent à un vrai besoin comme la lutte contre les déserts médicaux », estime Virginie Tournay, directrice de recherche au CNRS.
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