De l’aveu même de la Délégation au numérique en santé (DNS), les médecins libéraux sont mécontents. « Les médecins de ville nous font des retours d'insatisfaction sur les logiciels Ségur, ils râlent et se plaignent des bugs ou de la lenteur des solutions », rapporte Benjamin Luciani, directeur de projets Ségur numérique à la DNS.
Les confrères ont jusqu’à fin avril pour installer la version référencée Ségur de leur logiciel de gestion de cabinet. Cette mise à jour, financée par l’État, promettait un outil sécurisé, une alimentation quasi-automatique du dossier médical partagé (DMP) et l'assurance de toucher le forfait structure. Sauf que, cinq mois après les premières commandes, le bilan est « en demi-teinte en médecine de ville, l’alimentation du DMP n’est clairement pas au niveau des attentes », a admis Benjamin Luciani, à l’occasion du 7e comité de suivi du Ségur du numérique organisé mercredi.
Alimentation insuffisante
Pourtant, dès l’automne, nombre de confrères ont joué le jeu. Plus de 70 % d’entre eux avaient commandé (avant fin novembre) une version à jour de leur logiciel et, à date, l’outil « Ségur » a été déployé chez 75 % d’entre eux – soit déjà 40 000 libéraux. Un parc informatique important, concède la DNS, mais qui peine à tenir ses objectifs d’alimentation du DMP, encore « très insuffisants ».
Dans le détail, moins de 10 % des praticiens libéraux équipés « Ségur » atteignent dix envois de documents par semaine et moins de 1 % les 100 documents. La DNS s'est fixée comme objectif d’atteindre les 250 millions de documents partagés dans Mon espace santé d’ici à la fin de l’année, « soit 4 documents par an et par citoyen », rappelle Olivier Clatz, directeur du programme Ségur à la DNS. Avec un pic à 10 millions de documents transmis le mois dernier, la dynamique décolle dans les autres secteurs concernés – hôpital, radiologie, biologie.
Couacs en série
Pourquoi ce retard à l’allumage dans les cabinets libéraux ? « Les logiciels médecins ont été secoués par les mises à jour "Ségur" et certains éditeurs ont déployé des versions qui ne sont pas suffisamment stables », analyse Benjamin Luciani. Conséquence, « nous avons reçu beaucoup de remontées de bugs sur l’alimentation du DMP, sur les ordonnances numériques », poursuit-il. « Certains voyaient leur logiciel "crasher" au bout d'une heure, d'autres ne pouvaient plus faire partir leurs facturations », abonde Olivier Clatz.
Selon une enquête de la Cnam réalisée en février dernier, 58 % des médecins disaient rencontrer des dysfonctionnements dans la connexion au DMP via leur logiciel Ségur, et 83 % affirmaient même devoir envoyer manuellement les documents, contrairement à la promesse ministérielle d’une alimentation « quasi-automatique ».
Les généralistes, des bêta-testeurs ?
Ces anomalies à répétition sont dénoncées par les syndicats de médecins libéraux. « Malheureusement, beaucoup de logiciels Ségur subissent des bugs pour faire les volets de synthèse médicale, mais surtout, les centres hospitaliers et en particulier les services des urgences sont actuellement incapables de les lire ! », rapporte le Dr Pierre-Marie Coquet, président Les Généralistes-CSMF du Nord.
« Les généralistes n'ont pas vocation à jouer les bêta-testeurs », s’agaçait aussi MG France la semaine dernière, regrettant là encore des « bugs », la complexité « des procédures pour valider l'INS » et des « clics en série pour la moindre prescription ». Le syndicat invitait même les généralistes à ne plus faire de mises à jour Ségur, « en attendant que les logiciels soient utilisables sans perte de temps ».
Résolution en cours
Face à ces retards techniques, la DNS promet que la plupart des dysfonctionnements sont en passe d'être résolus et que « les éditeurs se sont engagés à déployer des versions corrigées d’ici au mois de juin », assure Benjamin Luciani. La délégation accorde un délai – jusqu’au 20 septembre – aux entreprises pour déployer leurs outils.
Autre annonce, une procédure « d’exception » sera mise en place pour faciliter la vie des médecins traitants. Ils pourront eux-mêmes valider l’identité nationale de santé (INS) sans demander par exemple la carte d’identité du patient. Un gain de temps « notamment pour les médecins de famille qui connaissent bien leur patientèle et n’ont pas de secrétariat », précise Benjamin Luciani. La procédure était jusqu’alors « mal comprise et jugée chronophage ».
Pour être au plus près des problématiques de terrain, la DNS a mis en place depuis plusieurs mois une page « Sentinelle » afin de répondre aux difficultés des médecins libéraux. Suffisant ?
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