LE QUOTIDIEN : Après huit mois d'alternance politique, comment jugez-vous le climat entre le gouvernement et les médecins libéraux ?
JEAN-PAUL ORTIZ : Il faut se souvenir d'où nous venons ! Nous sortons d'un quinquennat perdu qui a fait reculer la confiance des médecins libéraux à l'égard du pouvoir politique. Conflits majeurs, absence de dialogue, dogmatisme : chacun s'est recroquevillé. Ce fut un quinquennat de glaciation et même de régression.
Il y a huit mois, les attentes de la profession étaient énormes au regard de la crise de la médecine libérale. Le dialogue, indiscutablement, est revenu. Mieux, il y a eu une écoute en commençant par l'abandon du tiers payant généralisé obligatoire. Enfin, des signaux forts ont été adressés par l'exécutif sur l'accès aux soins même s'il faudrait être encore plus disruptif. L'atmosphère est meilleure. Nous allons voir maintenant si on entre dans une période d'engagement et de construction.
Dans ce contexte d'apaisement, comment jugez-vous la décision du SML de rejoindre la convention médicale ?
J'ai beaucoup de mal à comprendre qu'un syndicat signe une convention médicale alors qu'une négociation majeure s'engage huit jours après [sur la tarification de la télémédecine, voir pages 2 et 3, NDLR]. Que l'on se pose la question de la signature d'un avenant conventionnel – qui vaut signature de la convention – après les négociations me semble légitime et logique. Mais signer avant me semble prématuré et très démobilisateur pour obtenir le maximum. Je rappelle que tous les avenants sont discutés avec tous les syndicats, signataires ou pas.
Mais qu'est-ce qui empêche la CSMF, centrale conventionniste, d'adhérer dès maintenant ?
Ce n'est pas le moment. Je le redis : pourquoi signerait-on une convention alors qu'on ouvre la « négo » ? En revanche, le souhait que je formule est d'obtenir un avenant au contenu suffisamment innovant et qualitatif pour nous engager et rejoindre la convention. C'est clair.
Votre mandat à la tête de la CSMF arrive à échéance le 10 mars. Serez-vous à nouveau candidat ?
Oui, je serai candidat pour la présidence de la CSMF lors du conseil confédéral du 10 mars prochain. Le quinquennat Touraine m'a laissé sur ma faim et m'a désolé car à l'époque, aucune proposition de voie de sortie n'a été saisie par la ministre.
L'heure est à la réorganisation de la médecine libérale. Ma candidature en ce sens sera programmatique : je veux porter la restructuration de notre vie professionnelle autour du regroupement et de la responsabilité territoriale. Cela ne veut pas dire qu'on doit se regrouper forcément physiquement mais fonctionnellement. Cette mutation est indispensable : demain, le cabinet médical en solo sera extrêmement minoritaire. Le deuxième enjeu, c'est l'innovation organisationnelle pour faire en sorte que le médecin devienne un entrepreneur territorial libéral. Je porte cette vision moderne des établissements de soins ambulatoires.
Enfin, le statut même du médecin devra changer. Il n'aura plus une carrière linéaire mais un exercice mixte – libéral et salarié – multisite et évolutif. Voilà quelques idées que je veux mettre en avant.
Des élus de droite réclament à leur tour la fin de la liberté d'installation. N'est-il pas temps pour la profession d'accepter une régulation accrue ?
Nous serons en déficit d'offre médicale pendant dix ans. Pendant cette période délicate, j'en appelle à la responsabilisation collective, à l'échelon des territoires, pour garantir l'accès aux soins, notamment grâce à l'innovation organisationnelle et technologique. Nous devrons favoriser les consultations avancées, la télémédecine, le cumul emploi retraite, etc. Les médecins doivent se retrousser les manches toutes générations confondues. Mais la contrainte serait contre-productive.
Comment sont les relations de la médecine de ville avec les hôpitaux sur le terrain ?
C'est variable ! Dans certains secteurs, les choses se passent correctement, ailleurs la concurrence est dure, et même sauvage. Quand on voit l'hôpital de Roubaix organiser des consultations spécialisées avancées à Wasquehal sans concertation, on s'interroge. Je peux citer aussi Maubeuge, des offensives en Bretagne, etc.
Les nouvelles consultations complexes sont en vigueur. Quel est le bilan d'étape ?
Ces consultations sont très peu utilisées. La hiérarchisation des actes cliniques est pourtant une idée ancienne de la CSMF, qui a été dévoyée par l'assurance-maladie (CNAM). Le système est extrêmement compliqué. L'utilisation de ces nouvelles cotations est, hélas, marginale. À mon avis, le directeur ne dépensera pas le quart, ni même le huitième, du budget qui avait été programmé pour ces consultations complexes !
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