LE QUOTIDIEN : Les médecins libéraux ont jusqu’au 30 novembre pour commander gratuitement une version à jour de leur logiciel métier, labellisée Ségur. Pourquoi est-ce très important ?
HELA GHARIANI : L’intérêt pour les médecins, c’est d’avoir une version de leur logiciel métier conforme, en termes de sécurité. Du point de vue RGPD, ils sont responsables du traitement des données de leurs patients qui est opéré par leur logiciel. Ensuite, ces nouvelles versions vont permettre de respecter l’obligation pour le médecin d’alimenter automatiquement « Mon espace santé » et d’accéder aux documents qui y figurent, tout en communiquant plus simplement avec ses confrères par messagerie sécurisée.
Mais l’intérêt est aussi financier : l’avenant 9 prévoit que le versement du forfait structure soit conditionné au fait que le médecin ait bien basculé sur ces logiciels conformes.
Il y a un an, vous aviez fixé l’objectif de 80 à 90 % des médecins équipés. Sera-t-il tenu ?
RAPHAËL BEAUFRET : Plus de 125 logiciels ont été référencés, en médecine de ville, biologie, radiologie et à l’hôpital. C’est une grande réussite ! Dans le couloir « médecine de ville », cela correspond à plus de 80 % du marché, nous sommes très satisfaits. Pour les autres – souvent de plus petits éditeurs qui n’ont pas réussi à être dans la course du Ségur Numérique – nous travaillons sur des modalités de rattrapage afin de les accompagner, avec l’ouverture prochaine d’un guichet de référencement permettant ainsi à leurs clients de toucher le forfait structure.
Combien de médecins ont fait leur mise à jour ?
RAPHAËL BEAUFRET : Nous avons déjà plus de 40 000 médecins libéraux qui ont choisi de passer à cette « version Ségur » de leur logiciel. Ensuite, je rappelle que les mises à jour pourront être faites jusqu’à fin avril 2023.
Mon espace santé, nouvelle mouture enrichie du dossier médical partagé, a été lancé il y a dix mois. Sur les 67 millions de Français destinataires du mail ou du courrier, combien ont refusé sa création ?
HELA GHARIANI : Désormais, la très grande majorité des patients disposent d’un carnet de santé numérique. On compte un très faible taux d’opposition à la création de Mon espace santé. Donc, aujourd’hui, un médecin peut envoyer les documents de santé les plus importants à la très grande majorité de sa patientèle qui peut, elle, aller consulter l’historique de soins, la lettre de liaison hospitalière… C’est radicalement différent de la situation d’il y a un an ! Grâce à cela, nous pouvons enfin faire la promesse à chaque Français qu’il pourra récupérer systématiquement ses données de santé après chaque épisode de soins. C'est très important notamment pour les malades chroniques pour lesquels le dossier médical peut être touffu et stressant.
L’échange de documents fonctionne-t-il mieux qu’avec l’ancien DMP ?
RAPHAËL BEAUFRET : D’ici à fin 2023, on se fixe comme objectif au moins cinq documents par habitant et par an, alimentés par les professionnels dans Mon espace santé. Aujourd’hui, nous sommes à presque un document par habitant et par an, c’est déjà dix fois plus que l’année dernière ! Un des documents les plus alimentés est le compte rendu d’examen de biologie médicale structuré. Environ un citoyen sur deux fait au moins une analyse de biologie dans l’année.
HELA GHARIANI : Et la médaille d’argent, c’est la lettre de liaison en sortie d’hospitalisation, qui est un document très important pour le suivi du parcours de soins.
Certains espaces sont-ils restés vides ?
RAPHAËL BEAUFRET : Non, rigoureusement vide, ça n’existe pas ! Certaines données sont préchargées, comme l’historique des remboursements – des actes réalisés en libéral, la dispensation de médicaments, etc. – mais aussi les attestations de vaccination ou de tests Covid.
En 2021, 400 000 e-prescriptions ont été effectuées par les médecins, le double de l’année précédente. L’obligation de e-prescription prévue par la loi en 2024 vous semble-t-elle envisageable ?
RAPHAËL BEAUFRET : A échéance 2024, les médecins auront l'obligation d’envoyer l’ordonnance dans Mon espace santé mais aussi de se connecter au téléservice « e-prescription unifiée » de l’Assurance-maladie, utilisé à la fois par le logiciel du prescripteur et celui de l'officine. C’est vraiment très pratique en cas de perte de l’ordonnance : il suffira au patient de montrer le QR code de son ordonnance stockée dans Mon espace santé au pharmacien.
C’est aussi une grande avancée pour les médecins, très souvent sollicités simplement pour des renouvellements d’ordonnances perdues. C’est également du temps gagné et un gage de qualité pour le pharmacien, qui n’a plus à retranscrire une par une les lignes des ordonnances manuscrites… Une vingtaine d’éditeurs sont déjà au rendez-vous pour introduire la e-prescription à leur logiciel. On va mettre les bouchées doubles dans les deux ans, car la France a beaucoup de retard par rapport aux pays européens.
Les médecins devront-ils aller vers la dématérialisation du carnet de santé de l’enfant ?
HELA GHARIANI : Le carnet de santé numérique de l’enfant est effectivement au cœur des préoccupations et il figurera très probablement dans la future feuille de route du numérique en santé. Les parents sont toujours attachés à l’objet papier du carnet de santé, mais il est de moins en moins consulté et rempli ! Or, il y a un réel enjeu de prévention et de suivi de la santé des enfants notamment via les courbes de croissance.
Nous allons utiliser Mon espace santé pour en faire un vrai carnet de santé numérique de l’enfant, avec par exemple un résumé des visites obligatoires. Cela nécessitera une alimentation automatique et systématique de la part des médecins, notamment les pédiatres et les généralistes. Nous travaillerons aussi avec la médecine scolaire et les services de PMI.
Alors que les négociations autour de la prochaine convention médicale vont s’ouvrir, quelles propositions allez-vous porter autour des usages du numérique en santé ?
HELA GHARIANI : Nos objectifs seront dans la continuité de ceux que nous avions portés dans le cadre de l’avenant 9. Les médecins les connaissent : pousser à l’alimentation de Mon espace santé, utiliser la messagerie sécurisée, accompagner les patients en ALD en remplissant leur volet médical de synthèse, qui est un serpent de mer pour les généralistes depuis plusieurs années. L’Assurance-maladie essayera de trouver des mécanismes accessibles pour les médecins et bénéfiques aux patients.
Vous pensez à des incitations financières ?
HELA GHARIANI : Oui, ça passera par des incitations financières. Avec le conditionnement du forfait structure à certains critères sur le numérique, des pas importants ont déjà été franchis.
Une nouvelle feuille de route du numérique en santé s’ouvrira pour 2023. Quelles en seront les priorités ?
RAPHAËL BEAUFRET : Nous avons commencé à travailler à un renforcement important de la cybersécurité mais aussi à des innovations pour les professionnels, comme l’accès au DMP qui est, encore aujourd’hui, trop compliqué lorsqu’il n’y a pas de carte CPS, avec notamment l’usage de Pro Santé Connect. Le sujet de l’ergonomie des logiciels et celui de la capacité d’échanger plus simplement entre professionnels par messageries instantanées sécurisées – et non par WhatsApp – sont également des enjeux majeurs remontés par de nombreux acteurs.
HELA GHARIANI : Depuis 2019, collectivement, nous avons fait un bond majeur. Mais il y a encore beaucoup de travail, notamment pour renforcer l’usage du numérique afin de favoriser la prévention. Pour y arriver, la responsabilité de la réussite pèse sur nous tous : État, éditeurs de logiciels et professionnels de santé.
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