C’est un amendement surprenant qui a été adopté par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS). À la demande de députés Les Républicains, il prévoit que les « actes de téléconsultation doivent être réalisés par le biais d’une maison de santé pluridisciplinaire, d’une officine », afin de garantir l’accompagnement du patient par un professionnel de santé.
Dans son exposé des motifs, la députée LR de Haute-Loire Isabelle Valentin précise sa position. Elle souhaite que les téléconsultations soient « réalisées et accompagnées par un professionnel de santé afin de permettre un meilleur encadrement de cette pratique ». En somme, en imposant la présence d'un pharmacien, d'une infirmière ou d'un médecin des deux côtés de l’écran, le texte signerait la fin des téléconsultations, seules, à domicile.
Confusion autour des télécabines
En commission, Isabelle Valentin s'est expliquée sur la portée de son initiative. « La téléconsultation doit être encadrée pour éviter les abus et répondre aux attentes et à la confiance des patients ». Une position défendue par des élus de tout bord, malgré l’avis défavorable de la rapporteuse du PLFSS Stéphanie Rist (Renaissance). « Je vous rappelle qu’alors qu’elle était ministre de la Santé, Agnès Buzyn s’était engagée à ce qu’il y ait lors des téléconsultations toujours un professionnel de santé de chaque côté de l’écran », a souligné Caroline Fiat, députée Nupes de la Meuse. L’amendement a été adopté sous une poignée d’applaudissements.
Victoire ! malgré l'avis défavorable de la rapporteure, nous venons de voter un amendement visant à encadrer la téléconsultation avec un professionnel de santé de chaque côté de l'écran! Chose promise, chose due! #DirectAN #PLFSS
— Caroline FIAT (@CarolineFiat54) October 12, 2022
Mais en réalité, le débat a tourné autour de l’accompagnement nécessaire du patient dans le cadre d’une cabine de téléconsultation – et non plus généralement pour toutes les téléconsultations, comme le laisse penser le texte. « Il faut encadrer cette pratique, notamment quand on voit l’implantation de ces cabines dans les supermarchés », a surenchéri Pierre Dharréville (Nupes). « Vous souhaitez encadrer les arrêts de travail prescrits par téléconsultation, et bien justement, je pense que la présence d’un professionnel de santé pourra dissuader certaines personnes de venir faire dix fois des arrêts de travail dans les télécabines », a abondé Yannick Neuder (LR).
« Vous rigidifiez la pratique [de la téléconsultation] », a rétorqué Stéphanie Rist. « Lorsqu'il s'agit d'un patient jeune, qui entre dans une cabine pour une question simple, je ne pense pas qu’il prenne de risques s’il n‘est pas encadré par un professionnel de santé », souligne la rhumatologue. L’amendement – qui sera redébattu en séance – renvoie d'ailleurs à la publication d’un décret. Le texte est censé fixer les conditions de mise en œuvre de cet accompagnement obligatoire.
Vagues de critiques
S’agissait-il d’un texte trop général, d'une erreur qui va brider l'essor de la télémédecine ? Sur les réseaux sociaux, l’amendent a provoqué une vague de railleries. « Vous avez fumé ? », s’est agacé le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-Syndicat. « Alors là, on tient l’amendement champion du PLFSS », a taclé Éric Bothorel, député breton de la majorité.
Fondateur de la Société française de télémédecine, le Dr Pierre Simon critique un amendement « hors sol », qui « supprime purement et simplement la téléconsultation "solo" au domicile, la plus pratiquée depuis la pandémie Covid-19 ». En imposant un soignant de chaque côté de l’écran, « cet amendement ferait reculer la France de dix ans par rapport aux autres pays européens », s’il est « voté en l’état », craint le Dr Simon.
Coup d'arrêt
Le syndicat Jeunes médecins anticipe carrément « un coup d’arrêt » pur et dur de la téléconsultation. Si le syndicat concède qu’un accompagnement peut être utile pour les personnes âgées, en situation de handicap ou souffrant d’illectronisme, il redoute la fin d’un grand nombre de visios « utiles » : avec son médecin traitant, en cas de Covid, en dehors des horaires d’ouverture des cabinets ou pour prendre en charge des troubles psy…
Le lendemain du vote, Isabelle Valentin s'est de son côté félicitée de l’adoption de son amendement rappelant « qu’il est essentiel qu’aux côtés des patients il y ait un professionnel de santé. Attention à ne pas mettre en place une médecine à deux vitesses ». Sur ses réseaux sociaux, la députée LR ajoute qu’elle proposera un amendement « en séance publique afin que les infirmières libérales puissent encadrer des téléconsultations pour les personnes âgées dans les Ehpad ou pour les personnes atteintes de pathologies graves maintenues à leur domicile ».
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