Au CHU de Pointe-à-Pitre, les cardiologues ont le bras long, très long, suffisamment long pour traverser les 30 km de mer qui les séparent de l'île de Marie-Galante afin de guider à distance une tête d'échographe lors d'un examen échocardiographique.
Leur secret ? L'utilisation d'un bras articulé capable de déplacer une sonde sur le thorax du patient pris en charge à l'hôpital de Marie-Galante, en reproduisant exactement les mouvements du cardiologue réalisant l'examen dans son service du CHU à l'aide d'une sonde virtuelle. Les informations et le flux vidéo sont transmis via une connexion Internet, et la communication entre patient et médecin est assurée par visioconférence, tandis qu'un infirmier assiste le patient.
Le dispositif a été mis au point par la petite entreprise française AdEchoTech, une start-up française de 7 salariés fondée par le Dr Éric Lefèbvre, médecin échographiste libéral dans le Loir-et-Cher. L'ensemble est inauguré ce jeudi 8 décembre, donnant le signal au lancement d'une étude clinique visant à valider la non-infériorité de l'échocardiographie à distance, comparé à un examen réalisé en direct. Cette évaluation est pilotée par l'ARS (agence régionale de santé) dans le cadre d'un programme de la Coopération sanitaire de la Guadeloupe Archipel 97-1.
Un examen délicat
Si le dispositif de télé-échographie est déjà une réalité pour ce qui est de l'examen du pelvis, de l'abdomen ou pour l'échographie fœtale, la réalisation d'une échographie thoracique à distance se heurtait à la présence de la cage thoracique qui complique sa réalisation. C'est donc bien une première mondiale qui est en passe d'être réussie par AdEchoTech. « Un écart de 2 ou 3 mm peut changer le diagnostic, détaille le Dr Lefèbvre. Il faut donc un contrôle en temps réel et sans décalage. L'autre problème est que les appareils d’échographie nécessitent un grand nombre de réglages. »
D'un point de vue technique, une telle installation nécessite une liaison Internet avec un débit d'au moins 3 mégas (montant et descendant). Faute de connexion suffisante, d'autres modalités sont possibles, comme la transmission par satellite (intéressante pour la médecine militaire) ou l'utilisation de liaison 4G. Le prix de l'ensemble dépend de la configuration et est environ « de 120 000 à 130 000 euros hors taxe, dont environ 100 000 euros pour l'échographe », précise le Dr Lefèbvre.
11 000 patients et pas de cardiologue
« L'insuffisance cardiaque est même la première urgence cardiologique au CHU Guadeloupe », selon l'agence régionale de santé (ARS). En 2014, l'étude Picasso, menée dans le service accueil des urgences du CHU de Pointe-à-Pitre, a montré un taux de réhospitalisation de 37 % deux mois après l’admission aux urgences pour une insuffisance cardiaque aiguë, ainsi qu'un taux de décès de 18,8 % au bout d’un mois, et de presque 37 % à 6 mois.
« Les patients sont diagnostiqués à un stade trop avancé », se désole le Dr Mona Hedreville, responsable de la filière urgence cardiologique, et de la filière Accueil filière rapide insuffisance cardiaque aiguë (AFRICA) au CHU, et véritable cheville ouvrière du projet. « La moitié d'entre eux décèdent un an après leur passage aux urgences, poursuit-elle. Nos îles cumulent les facteurs de risque, avec 26 % d'hypertension artérielle, 1 Guadeloupéen sur 2 est en surcharge pondérale, et 20 % est obèse. Des facteurs génétiques propres aux cardiopathies existent sans doute qui n'ont pas encore été explorés. »
Les habitants de Marie-Galante comme ceux des îles environnantes – la Désirade, les Saintes... – présentent les mêmes facteurs de risques qu'en Guadeloupe continentale, mais sans accès à un plateau technique. « Il y a 11 000 habitants à Marie-Galante, et pas de cardiologue », constate le Dr Hedreville.
L'évaluation du dispositif va durer 6 mois. Les médecins généralistes de l'île ont été formés pour être investigateurs et seront chargés de recruter les patients qui bénéficieront d'un examen échocardiographique mené in situ par un cardiologue venu sur l'île, suivi d'un examen mené à distance par un cardiologue resté à Pointe-à-Pitre. Les résultats des deux examens seront ensuite comparés pour vérifier la non-infériorité de l'échocardiographie à distance. « Nous pourrons avoir une bonne précision statistique avec 20 à 40 patients, précise le Dr Hedreville. On espère toutefois recruter plus de 40 patients. » Après l'évaluation médicale, une étude de coût efficacité sera menée en vue de l'adoption définitive du dispositif, et de son élargissement à d'autres îles de la Caraïbe.
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