Coté patient d’une part cela ne coûte rien hormis d’accepter que son médecin passe plus de temps avec son ordinateur qu’avec lui. D’autre part il ne peut que tirer bénéfice d’un outil personnel de gestion de sa santé que d’autres se chargent de lui tenir.
Sauf que l’esprit du projet de loi est mis en évidence par le passage sémantique de l’ancien DMP, Dossier Médical Personnel du patient, vers le DMP Dossier Médical Partagé. Certes l’objectif du DMP est d’éviter les redondances d’examens et de coordonner les soins, ce qui exige un partage d’informations entre les professionnels s’occupant d’un patient. Cet objectif est déjà un leurre en lui-même. La redondance d’examens est peu due à la méconnaissance de ce qui a déjà été fait ou prévu par d’autres. Elle est due d’abord à des acteurs qui n’arrivent pas à se positionner les uns par rapport aux autres et à des habitudes de soins issues de conditions culturelles, structurelles, économiques des patients et des médecins. D’autre part en matière de soins, un dossier, un partage d’informations, ne peuvent être gage de coordination des acteurs. La coordination, c’est d’abord la définition et le respect du qui fait quoi dans le système de soins avec un médecin traitant pilote définissant le parcours de soins. La coordination-coopération, c’est en fait d’abord un état d’esprit.
Ce passage au terme de « partagé » rend flou le droit du patient au masquage d’informations le concernant. Et justifie une extension des personnes aptes à consulter ce dossier passant maintenant du secteur médical au secteur médicosocial et de l’équipe de soins à l’ensemble des professionnels appartenant au groupement d’établissements dans lequel le patient a été suivi.
Drôle de « partage »
Ces éléments rapprochés de la mise en place du « système national des données de santé » qui va colliger et croiser des données médicales, sociales, économiques sur chaque individu montre l’étendue du « partage ». Ceci d’autant plus que l’anonymat pourra être dans certains cas levé et que l’accès sera accessible à de nombreux organismes publics ou privés. On arrive progressivement à un dossier du patient propriété et à l’usage en fait du système médico-administratif. Relancer ainsi le DMP est-ce vraiment une bonne nouvelle pour les patients et les citoyens ?
Coté médecins, tous rêvent d’avoir un dossier médical ergonomique, sans passer des soirées à scanner, saisir des données, remettre en forme, réparer. Sauf que pour mettre ce bon plat sur la table il faut des gens en cuisine. Or en cuisine on y met surtout les médecins traitants alors que l’immense majorité d’entre eux ne dispose ni d’un secrétariat, ni d’informaticien, et doit en même temps gérer des situations médicales particulièrement complexes. Quant aux outils disponibles en cuisine ils sont bien indigents, non fonctionnels, non ergonomiques, non cohérents, non coopérants entre eux malgré les centaines de millions d’euros déjà investis dans le DMP pour ne produire quasi rien sauf la réponse aux exigences administratives des caisses de codage et télétransmission.
Continuer dans la gabegie du DMP sans analyser le pourquoi de son échec et y remédier, est-ce vraiment là aussi une bonne nouvelle pour les contribuables qui financent et les médecins qui doivent en supporter le fardeau de travail sans en avoir les moyens et sans en tirer une amélioration de leur pratique ?
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